La Dimension Morale de la Vie Conjugale dans le Saint Coran:
“La Relation Conjugale” entre le Coran et le Fiqh*
Par: Dr. Hind Mostafa **
La femme musulmane contemporaine vit une crise historique émanant de l’héritage culturel. En fait, cette culture accorde à la femme une situation inférieure dans la hiérarchie sociale voire humaine, consacrant tout le potentiel morale, y compris les mœurs, les coutumes et même la loi, pour l’enfermer dans cette situation. Citons en ce lieu et parmi les forces les plus influentes, la culture religieuse / historique, présentée par le discours et les lectures historiques humaines de la religion, mais surtout les interprétations du fiqh qui vise la codification des règles religieuses.
Soit qu’on approuve ou que l’on réfute la justesse des déductions des règles et des sentences concernant la femme du point de vue technique ou celui de l’ijtihad et du raisonnement par analogie, il reste néanmoins une région brumeuse dans la méthodologie même de la formulation de ces sentences, c’est ce que l’on appelle l’esprit du discours coranique. Cet aspect est d’une envergure considérable dans le texte du Coran, de sorte que si l’on le néglige on risque de mal baser les interprétations et les argumentations. Du point de vue qualitatif, cet aspect est parallèle au discours des ordres et des interdictions. En fait le Coran a souvent conditionné la légitimité des actes par l’assurance des exigences morales.
Cet aspect moral est d’une importance majeure au sujet de la femme dans le Coran. Et l’absence de cette dimension risque de faire dévier la réception du discours vers des significations contradictoires quant à ses objectifs.
Cet article est une tentative pour éclaircir les dimensions morales absentes du discours du fiqh, ce qui en fait constitue la différence entre ce discours et celui du Saint Coran. Et ce dans le but de susciter la question : Comment le discours culturel religieux peut-il comprendre et intégrer l’esprit du Coran, ses objectifs et ses directives morales qui sont l’essence même de sa légitimité?
Cette recherche aborde le sujet à partir d’une méditation sur les versets du Coran concernant la description de la relation entre homme et femme défini dans le texte par le mariage. En fait, le mariage fait l’objet d’un ensemble de directives et de sentences coraniques basées, du point de vue des objectifs, sur la connaissance parfaite de tous les pans de l’âme humaine. Dans ce sens, cette recherche considère la langue – soit dans ses structures, sens, ou interactions- comme étant un outil et un moyen; on y entretient un dialogue avec les mots et les agencements du lexique des versets coraniques qui traitent des problèmes de la vie des couples, pour aboutir à une vision plus approfondie de la dimension morale.
Dans une autre perspective, nous passerons en revue le point de vue du fiqh abordant la même question, celle du mariage. Et ce, dans le but de démontrer le fossé entre les deux attitudes: le discours du Coran et celui de l’interprétation humaine /historique. Nous souhaitons que cette tentative puisse aboutir à des déductions visant l’amélioration des lois civiles réglant ce sujet selon les lois divines omnipotentes.
I-La dimension morale dans le discours coranique:
L’une des caractéristiques du discours coranique est sa méthode pour s’adresser à l’âme humaine, à ses deux pans: spirituel et logique. C’est ce qui a été souligné à plusieurs reprises:
“Allah a fait descendre le plus beau des récits, un Livre dont [certains versets] se ressemblent et se répètent. Les peaux de ceux qui redoutent leur Seigneur frissonnent (à l’entendre); puis leurs peaux et leurs cœurs s’apaisent au rappel d’Allah. Voilà le [Livre] guide d’Allah par lequel Il guide qui Il veut. Mais quiconque Allah égare n’a point de guide.” (39:23).
Cet effet psychologique profond, sinon direct, présente une des caractéristiques du discours coranique qui prend toujours en considération la nature de l’interlocuteur qu’est l’homme, embrassant ses deux composantes : matérielle (le corps), et morale (l’âme);
“C’est Lui le Connaisseur [des mondes] inconnus et visibles, le Puissant, le Miséricordieux, (6) qui a bien fait tout ce qu’Il a créé. Et Il a commencé la création de l’homme à partir de l’argile(7) puis Il tira sa descendance d’une goutte d’eau vile [le sperme] (8);puis Il lui donna sa forme parfaite et lui insuffla de Son Esprit. Et Il vous a assigné l’ouïe, les yeux et le cœur. Que vous êtes peu reconnaissants!(9)”(32: 6-9)
Cette omniscience divine de la nature humaine, est démontrée à la fois par le style d’adresse de jugements et de directives à l’homme, mais aussi par la manière de les formuler, tout en tenant compte de sa constitution en corps, raison, et cœur. Ainsi, le jugement satisfait les profondeurs de l’âme, tout en convenant aux données réelles extérieures. Méditons sur ce verset dans le contexte de l’héritage:
“Et lorsque les proches parents, les orphelins, les nécessiteux assistent au partage, offrez-leur quelque chose de l’héritage, et parlez-leur convenablement” (4: 8).
Bien que la question de l’héritage soit fermement délimitée par des sentences bien rigoureuses dans le discours coranique, le verset esquisse une scène qui touche le cœur: au moment de l’attribution des quotte part de l’héritage, voilà des gens qui assistent à la scène : ils ne sont pas des ayant droit consignés, mais ils sont des méritants absolus par leur condition de vie: les pauvres, et les orphelins. Alors, voici que la règle légitime s’amplifie pour embrasser -comme partie inséparable- le côté morale et éthique, étroitement liée à la situation. Et vint alors l’ordre divin de satisfaire ces gens, non pas seulement par l’argent (offrez- leur de l’héritage) mais aussi par la bonne parole (parlez- leur convenablement).
Nous citerons un autre exemple au sujet des orphelins:
“Et éprouvez (la capacité) des orphelins jusqu’à ce qu’ils atteignent (l’aptitude) au mariage; et si vous ressentez en eux une bonne conduite, remettez-leur leurs biens. Ne les utilisez pas (dans votre intérêt) avec gaspillage et dissipation, avant qu’ils ne grandissent. Quiconque est aisé qu’il s’abstienne d’en prendre lui-même. S’il est pauvre, alors qu’il en utilise raisonnablement : et lorsque vous leur remettez leurs biens, prenez des témoins à leur encontre. Mais Allah suffit pour observer et compter.” (4: 6).
Nous notons comment la sentence détermine nettement l’interdiction de prendre – voire de toucher- l’argent des orphelins tout en considérant le cas du tuteur lui-même : s’il est aisé, le texte prêche la vertu de s’abstenir de prendre de cet argent. Par contre, en cas de pauvreté du tuteur du mineur, le texte lui accorde d’en prendre (raisonnablement) ce qui lui assure une vie modérée.
Nous trouvons ici, encore une fois, une instruction divine incitant les croyants à s’intéresser aux dimensions morales/ éthiques, peu souvent prises en considération par la loi ou les mœurs (qui s’intéressent surtout à la forme et aux procédures). Le Seigneur l’instaure alors comme étant une règle plus étendue qui comble la lacune des règlements humains.
Ainsi, les directives islamiques, s’adressent directement aux consciences, et aux intentions humaines pour les guider et les raffiner. Dans le hadith cité dans al Bukhâri, rapporté par `Abdullah ibn Maslama, rapporté par Hicham rapporté à son tour par son père, rapporté par Zainab fille de Abi Salama par sa mère ‘Um Salama -qu’Allah l’agrée-, le prophète – que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur Lui- a dit : “Or je suis humain, et vous vous mettez en cause devant moi, et il advient que l’un d’entre vous soit plus éloquent à plaidoyer, alors je juge d’après ce que j’entends; quiconque je lui juge du droit de son confrère qu’il s’abstienne de le prendre, c’est comme si je lui coupe une partie de l’enfer.”*
Cette directive divine trouve ses répercussions dans la relation particulière qui lie le croyant à son Seigneur, et à la communauté des croyants. C’est une relation complexe composée de dimensions diverses: morale ou pratique, totale ou partielle, générale ou particulière. Ceci est parfaitement clair quand nous dégageons du texte coranique la relation “d’amour” entre Allah et ses Serviteurs, à partir de certains versets:
“(…) Or les croyants sont les plus ardents en l’amour d’Allah (…)” (2:165), “(…) Allah va faire venir un peuple qu’Il aime et qui L’aime (…)” (5:54). L’amour qui lie les croyants à leur Seigneur est partie intégrante de la croyance dépassant les devoirs et les prohibitions, et les verdicts. Si l’on relève toutes les citations de “Allah aime“, et “Allah n’aime pas“, dans le Coran, nous y trouverons une récurrence significative. En fait, Allah aime neuf catégories de croyants, à savoir : les bienfaisants (al muḥsinûn), ceux qui se repentent (al tawâbûn), ceux qui se purifient (al mutattahirûn), les pieux (al mutaqûn), les patients (as-sabirûn), ceux qui se remettent à leur Seigneur après avoir effectué leur devoir (al mutwakilûn), les équitables (al muqsitûn), ceux qui sont excessivement purs (al muttahirûn) , et “ceux qui combattent dans Son chemin en rang serré pareils à un édifice renforcé” (61:4). La catégorie des bienfaisants (muhsinûn) est répétée cinq fois, tandis que celles des pieux (muttaqûn) et équitables (muqsitûn) sont répétées chacune trois fois. Ces catégories de croyants indiquent des relations particulières avec le Seigneur et ont en même temps une performance en société. Mais une définition exceptionnelle de la bienfaisance est explicitée dans un hadith du prophète – que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui-, où il dit: “La bienfaisance (al iḥsân) c’est adorer Allah comme si tu Le vois, or si tu ne Le vois pas [sache qu’] Il te voit”. C’est pourquoi cette qualité vient en tête des relations, suivie par le repentir, la piété, la purification, la patience, la confiance en la volonté d’Allah, la justice, etc.
D’un autre côté, Allah n’aime pas neuf catégories, à savoir : les transgresseurs (al-mu`tadûn), les corrupteurs (al-mufsidûn), les mécréants (al kafirûn), les injustes (al zalimûn), le présomptueux-l’arrogant (al muḫtâl- al faḫour), les traîtres (al ḫâ’inûn), “Allah n’aime pas qu’on profère de mauvaises paroles” (4:148), les gaspilleurs (al musrifûn) et les orgueilleux (al mustakbirûn). Ces attributs sont recensés selon l’ordre des sourates du Coran. Les cinq premiers sont répétés trois fois, ils sont des qualitatifs négatifs dans le domaine social (comme l’agression, l’injustice, la corruption, la trahison, l’arrogance …etc.).
L’octroi de l’amour d’Allah divin ou son déni est une sorte de récompense ou de punition morales dans la vie, avant le châtiment du Jour Dernier et différent de la punition corporelle exécutée par les autorités. Cette rétribution morale s’inscrit dans le cadre de la relation particulière entre l’homme et son Seigneur:
“(…) L’ouïe, la vue et le cœur : sur tout cela, en vérité, on sera interrogé.“ (17:36).
“Il y a bien là un rappel pour quiconque a un cœur, prête l’oreille tout en étant témoin” (50: 37).
“Que ne voyagent-ils sur la terre afin d’avoir des cœurs pour comprendre, et des oreilles pour entendre ? Car ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais, ce sont les cœurs dans les poitrines qui s’aveuglent” (22: 46)
Le Coran a instauré tout un dispositif de jugements et de directives qui prennent en considération les dimensions morales et psychiques comme étant un composant essentiel de l’âme humain. Le texte divin a insisté sur le fait que tout fait humain, s’effectuant dans le contexte social, doit tenir compte de cet aspect moral. En islam, tout fait humain jouit d’une profondeur et d’une visée en relation étroite avec des objectifs majeurs: l’unicité divine, la purification de l’âme, et le peuplement de la terre. Dans ce cadre, le simple fait de semer un arbre sera un fait de foi originel reflétant la foi de vouloir perpétuer les actions afin de sauvegarder la vie, de peupler la terre et d’aspirer à une récompense dans l’au-delà. La relation sexuelle elle-même aura des dimensions morales de foi : ” en fait si l’un d’entre vous a une union charnelle avec son épouse, il aura la récompense de l’aumône de charité… ” Hadith. **
Respecter la raison ainsi que la morale fait que le Coran est constitué “(…) des preuves illuminées pour les hommes (une source de clarté), un guide et une miséricorde” (7-Al-A`râf, 45-al-Jaṯiya). Des “preuves” (au pluriel) offertes à la raison, au cœur et procurant satisfaction aux sentiments. C’est là alors que les hommes trouvent la sagesse, la sécurité et la miséricorde.
La miséricorde est partie intégrante des jugements divins. Elle constituera ainsi le cadre de tout fait humain guidé par les directives divines. Mais si ce fait dévie et perd le sens véritable de ces commandements, la violence se substituera à la miséricorde, et la privation au don. Comparons ces deux versets où, dans le premier, le Seigneur s’adresse à son prophète :
“C’est par quelque miséricorde de la part d’Allah que tu (Muhammad) as été si doux envers eux! Mais si tu étais rude, au cœur dur, ils se seraient enfuis de ton entourage. Pardonne-leur donc, et implore pour eux le pardon (d’Allah). Et consulte-les à propos des affaires; puis une fois que tu t’es décidé, confie-toi donc à Allah, Allah aime, en vérité, ceux qui Lui font confiance.” (3:159).
Alors que, dans le deuxième, Il décrit les fils d’Israël:
“Et puis, à cause de leur violation de l’engagement, Nous les avons maudits et avons endurci leurs cœurs : ils détournent les paroles de leur sens et oublient une partie de ce qui leur a été rappelé. Tu ne cesseras de découvrir leur trahison, sauf d’un petit nombre d’entre eux. Pardonne-leur donc et oublie [leurs fautes]. Car Allah aime, certes, les bienfaisants.” (5:13)
Une même logique commande les deux versets quant à leur structure et au déroulement de l’action et son résultat. De même quelques termes sont répétés, tandis que le contenu et les résultats diffèrent; comme nous le présenterons dans le tableau suivant.
Dans le premier cas, l’action est divine : c’est la miséricorde de la part d’Allah qui a adouci le cœur du prophète vis-à-vis des croyants et Allah lui a évité le fait d’avoir un cœur dur car il est cause de dispersion. Quant au deuxième cas, l’action est humaine : celle des fils d’Israël, c’est leur oubli du rappel divin et la violation de leur engagement. Le résultat en est l’endurcissement de leur cœur et la transgression par le détournement des paroles d’Allah. Cependant, le commandement divin ne change pas: “Pardonne-leur”, au petit nombre qui n’a pas trahi le prophète – que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur Lui.
L’action / le fait: |
La miséricorde |
La violation d’engagement |
L’actant: | Allah | Fils d’Israël |
Le résultat | “Tu as été si doux envers eux” | “Nous les avons maudits et avons endurci leurs cœurs” |
Le commandement | “Pardonne-leur donc, et implore pour eux le pardon (d’Allah). Et consulte-les à propos des affaires” | “Pardonne-leur donc et oublie [leurs fautes]” |
Action négative / (fait absent) |
Cœur dur “si tu étais rude, au cœur dur” | Le rappel “ils oublient une partie de ce qui leur a été rappelé” |
Dans le même ordre d’idées, nous lisons la parole d’Allah, dans:
“Dis: “Qui donc a déclaré illicites les parures qu’Allah a produites pour Ses serviteurs, et les bonnes nourritures qu’Il a dispensées?” Dis: “Ces choses sont destinées aux croyants : ils en ont la jouissance durant la vie de ce monde et l’apanage au Jour de la Résurrection “. C’est ainsi que Nous exposons clairement les signes pour que les gens puissent savoir.” (7:32)
En complément avec ce verset : “C’est à cause des iniquités des Juifs que Nous leur avons rendu illicites les bonnes nourritures qui leur étaient licites, et aussi à cause de ce qu’ils obstruent le sentier d’Allah, (à eux-mêmes et) à beaucoup de monde“ (4:160)
Et, dans cette logique l’acte humain qui n’a pas suivi la guidance divine et qui a commis “l’iniquité” a du subir la prohibition.
Les preuves, la guidance et la miséricorde sont liées au rappel et à l’essai de comprendre et d’assimiler les paroles d’Allah;
“Certes, il vous est parvenu des preuves évidentes, de la part de votre Seigneur. Donc, quiconque voit clair, c’est en sa faveur; et quiconque reste aveugle, c’est à son détriment, car je ne suis nullement chargé de votre sauvegarde.“ (6:104).
“Nous avons en effet, donné le Livre à Moïse, – après avoir fait périr les anciennes générations, – en tant que preuves (claires) pour les gens, ainsi que guide et miséricorde afin qu’ils se souviennent.” (28:43)
II- Les couples dans le Coran:
Une diversité de couples existe dans le Coran. Que ce soit au niveau macrocosmique avec son système universel sophistiqué ou au niveau des êtres vivants, plantes ou animaux, cette relation se cristallise dans le couple homme/femme et surtout sous la forme du mariage.
Relevons les versets: “Et de toute chose Nous avons créé [deux éléments]: de couple. Peut-être vous rappellerez-vous ?” (51:49).
“N’ont-ils pas observé la terre, combien Nous y avons fait pousser de couples généreux de toutes sortes ?” (26:7)
“Et c’est Lui qui a étendu la terre et y a placé montagnes et fleuves. Et de chaque espèce de fruits Il y établit deux éléments de couple. Il fait que la nuit couvre le jour. Voilà bien là des preuves pour des gens qui réfléchissent.” (13:3)
“Il a créé les cieux sans piliers que vous puissiez voir; et Il a enfoncé des montagnes fermes dans la terre pour l’empêcher de basculer avec vous; et Il y a propagé des animaux de toute espèce. Et du ciel, Nous avons fait descendre une eau, avec laquelle Nous avons fait pousser des plantes productives par couples de toute espèce.” (31:10)
“Ils contiennent deux espèces de chaque fruit.” (55:52)
“Il vous a créés d’une personne unique et a tiré d’elle son épouse. Et Il a fait descendre [il a créé] pour vous huit couples de bestiaux. Il vous crée dans les ventres de vos mères, création après création, dans trois ténèbres. Tel est Allah, votre Seigneur ! A Lui appartient toute la Royauté. Point de divinité à part Lui. Comment pouvez-vous vous détourner [de son culte] ?” (39:6)
“Et que c’est Lui qui a créé les deux éléments de couple, le mâle et la femelle“ (53: 45)
Donc, la création du couple humain constitue la continuité de la loi cosmique: “Et Allah vous a créés de terre, puis d’une goutte de sperme, Il vous a ensuite établis en couples. Nulle femelle ne porte ni ne met bas sans qu’Il le sache. Et aucune existence n’est prolongée ou abrégée sans que cela soit consigné dans un livre. Cela est vraiment facile pour Allah.” (35:11)
Nous pouvons de même apercevoir la notion du couple dans la parité jour/ nuit, cieux/ terre dans: “En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a certes des signes pour les doués d’intelligence.” (3:190)
La notion du couple dans le Coran est un signe du pouvoir d’Allah dans Sa création et un don de Sa part. Cette signification est décelable dans l’ordre des versets de la sourate “An-Naba’ ” et le questionnement que porte cette sourate (78 : 6-11) :
“N’avons-Nous pas fait de la terre une couche? (6) et (placé) les montagnes comme des piquets? (7) Nous vous avons créés en couples, (8)
et désigné votre sommeil pour votre repos, (9) et fait de la nuit un vêtement (10) et assigné le jour pour les affaires de la vie (11)”
La parité est qualifiée par les termes “généreux” dans (26:7 (…) Nous y (la terre) avons fait pousser toutes sortes de couples généreux) et “splendides” dans (22:5 (…) Lorsque Nous faisons tomber la pluie (la terre) se met à palpiter, à s’épanouir et à faire pousser toutes sortes de couples splendides).
Le couple est la phase médiane entre la création et la mort:
“Et Allah vous a créés de terre, puis d’une goutte de sperme, Il vous a ensuite établis en couples (…)” (35:11)
Dans al sourate al-Kahf (18), un verset résume le parcours de la vie:
“Et propose-leur l’exemple de la vie ici-bas. Elle est semblable à une eau que Nous faisons descendre du ciel; la végétation de la terre se mélange à elle. Puis elle devient de l’herbe desséchée que les vents dispersent. Allah est certes Puissant en toutes choses !” (18:45)
L’eau est source de vie et de croissance des plantes en couples: signe de vie (22:5), (31:10), avant la vieillesse et le dessèchement, comme l’herbe dissipé par le vent: signe de fin de la vie.
Le couple, en ce sens, s’applique à toutes les créatures, c’est un principe de vie dans l’univers. Dans le récit de Noé, Allah lui a ordonné de prendre un couple de chaque type des créatures:
“Puis, lorsque Notre commandement vint et que le four se mit à bouillonner [d’eau], Nous dîmes : «Charge [dans l’arche] un couple de chaque espèce ainsi que ta famille – sauf ceux contre qui le décret est déjà prononcé – et ceux qui croient». Or, ceux qui avaient cru avec lui étaient peu nombreux.” (11: 40)
Dans la langue arabe, celle du Coran, le terme “époux” au masculin (zawj) désigne à la fois et l’homme et la femme:
“Ô hommes! Craignez votre Seigneur qui vous a créés d’un seul être, et a créé de celui-ci son épouse, et qui de ces deux là a fait répandre (sur la terre) beaucoup d’hommes et de femmes. Craignez Allah au nom duquel vous vous implorez les uns les autres, et craignez de rompre les liens du sang. Certes Allah vous observe parfaitement.” (4:1)
“C’est Lui qui vous a créés d’un seul être dont il a tiré son épouse, pour qu’il trouve de la tranquillité auprès d’elle; et lorsque celui-ci eut cohabité avec elle, elle conçut une légère grossesse, avec quoi elle se déplaçait (facilement). Puis lorsqu’elle se trouva alourdie, tous deux invoquèrent leur Seigneur : «Si Tu nous donnes un (enfant) sain, nous serons certainement du nombre des reconnaissants».” (7:189)
“(…) ils apprennent auprès d’eux ce qui sème la désunion entre l’homme et son épouse (…)” (2:102)
“Entrez au Paradis, vous et vos épouses, vous y serez fêtés“. (43:70)
Il faut consulter de près ces notions, selon les versets déjà cités, pour dégager certaines idées importantes:
1- Affirmer l’idée que le couple existe au niveau de toutes les créatures reflète l’homogénéité de la nature humaine avec l’univers, ce qui anéantit toute tendance à poser l’homme en contradiction avec la nature. C’est donc une loi universelle continue caractérisée par la pluralité, la diversité et la relativité en contrepartie ontologiquement avec l’unicité absolue, incomparable d’Allah,
“Dis: “Il est Allah, Unique.[112:1] Allah, Le Seul à être imploré pour ce que nous désirons. [112:2] Il n’a jamais engendré, n’a pas été engendré non plus. [112:3] Et nul n’est égal à Lui”.[112:4]
2- Prouver cette loi cosmique et l’appliquer à l’homme aussi bien qu’au système naturel matériel prouve l’harmonie et l’interaction entre les aspects spirituels et matériels de la vie. La dichotomie entre âme, éthique, et valeurs d’une part et la vie matérielle et ses applications de l’autre est alors impossible à la lumière du concept de couple tel démontré par le texte coranique.
3- La notion du couple dans la nature, dans ces versets, reflète une loi cosmique, l’essence de la vie ainsi qu’une certaine beauté par les attributs “généreux, splendides” qui la décrivent.
4- Cette notion, dans le cadre humain, a une double acception : d’une part c’est la différence entre homme et femme, mais d’autre part c’est l’unité de leur origine. Tous sont créés “d’un seul être” et le même terme est utilisé pour désigner chacun des époux (zawj). En fait, les chercheurs s’efforcent à théoriser à propos du genre de l’âme qui était à l’origine de la création cité au début de la sourate (An-Nisâ’) : est-il masculin (Adam), ou féminin (Ève) comme l’on pourrait le déduire d’après le verset 189 de la sourate (al ‘A`râf). L’unité de l’origine est exprimée dans plus d’une situation, ce qui a été affirmé par ce verset récurrent dans le texte:
“(…) homme ou femme, car vous êtes les uns des autres (…)” (3:195)
“…Allah connaît mieux votre foi, car vous êtes les uns des autres (de la même religion)…” (4:25)
C’est une affirmation des liens primitifs étroits reliant les deux genres et déterminant toute relation juridique ou sociale possible.
5- Pour considérer les couples humains, il faut traiter la relation entre les couples dans le cadre du mariage loin de toute notion de conflit. En fait, si c’est une loi cosmique qui règle le mouvement de l’univers, alors il ne s’agit nullement de similarité au sein des couples ou de contradiction. C’est plutôt une “différence qui engendre la richesse et la croissance” qui est à l’origine de la continuité de la vie. Ce qui est interprété par le verset suivant:
“Ô hommes! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès de Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand-Connaisseur” (49:13)
La différence entre homme et femme (le premier niveau de différence cité dans le verset) s’inscrit dans le cadre de l’attraction et du rapprochement. Le but en est la reproduction et le peuplement de la terre, dans la logique de complémentarité qui régit les liens des couples dans la nature pour la poursuite de la vie jusqu’a un terme délimité. Dans ce sens, il n’est pas question d’infériorité, de supériorité ou de degré de foi, mais c’est plutôt un mécanisme nécessaire pour le déroulement de l’action de peuplement de l’univers.
“Nous avons certes créé l’homme dans la forme la plus parfaite.” (95:4)
“Celui Qui a crée et agencé harmonieusement (2), qui a décrété et guide (3)” (87: 2,3)
6- Tandis que les règles divines régissent le mouvement des couples dans l’univers, l’homme, lui, par son statut unique, honoré, et possédant le droit de choisir, a besoin de règles qui tiennent compte de sa nature unique.
“Certes, Nous avons honoré les fils d’Adam. Nous les avons transportés sur terre et sur mer, leur avons attribué de bonnes choses comme nourriture, et Nous les avons nettement préférés à plusieurs de Nos créatures.” (17:70)
“Nous avions proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité (de porter les charges de faire le bien et d’éviter le mal). Ils ont refusé de la porter et en ont eu peur, alors que l’homme s’en est chargé; car il est très injuste [envers lui-même] et très ignorant.” (33:72)
Eu égard au mariage, c’est là une question de liens biologiques, sentimentaux et mentaux:
“Et parmi Ses signes Il a créé de vous, pour vous, des épouses pour que vous viviez en tranquillité avec elles et Il a mis entre vous de l’affection et de la bonté. Il y a en cela des preuves pour des gens qui réfléchissent.” (30:21)
De même, il était nécessaire de mettre des règles qui empêchent l’empiètement d’un conjoint sur l’autre;
“(…) Beaucoup de gens transgressent les droits de leurs associés, sauf ceux qui croient et accomplissent les bonnes œuvres – cependant ils sont bien rares (…)” (38:24)
Ainsi, cette conjoncture des couples détermine l’approche de la question du mariage. Il faut l’aborder, du point de vue islamique, à partir d’un concept de paix et de complémentarité sans l’esprit de conflit. Une complémentarité ouverte sur la nature et le cosmos qui aura des conséquences paisibles et fructueuses par la purification de l’âme et la croyance en l’unicité d’Allah loin de tout associé, aspirant à la récompense dans l’au-delà.
III- Le couple/le mariage: les niveaux de la relation:
À travers les versets du coran qui traitent de la relation du mariage, nous trouvons différents niveaux de la relation entre les conjoints, déterminés par certains concepts enchevêtrés. Nous les démontrerons comme suit:
A) Concepts relatifs à la relation intime, couvrant les aspects moraux et physiques, tels: tranquillité, vêtement, champ de labour, association en relation intime, affection et bonté; qui sont dégagés à partir des versets suivants:
“C’est Lui qui vous a créés d’un seul être dont il a tiré son épouse, pour qu’il trouve de la tranquillité auprès d’elle; et lorsque celui-ci eut cohabité avec elle, elle conçut une légère grossesse, avec quoi elle se déplaçait (facilement). Puis lorsqu’elle se trouva alourdie, tous deux invoquèrent leur Seigneur : «Si Tu nous donnes un (enfant) sain, nous serons certainement du nombre des reconnaissants». (7:189)
“ Et parmi Ses signes Il a créé de vous, pour vous, des épouses pour que vous viviez en tranquillité avec elles et Il a mis entre vous de l’affection et de la bonté. Il y a en cela des preuves pour des gens qui réfléchissent.” (30:21)
” Il vous est permis, la nuit du jeûne, d’avoir des rapports avec vos femmes; elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles (…)” (2:187)
“Vos épouses sont pour vous un champ de labour; allez à votre champ comme [et quand] vous le voulez et œuvrez pour vous-mêmes à l’avance. Craignez Allah et sachez que vous le rencontrerez. Et fais gracieuses annonces aux croyants !” (2:223)
“Comment oseriez-vous le reprendre, après que l’union la plus intime vous ait associés l’un à l’autre et qu’elles aient obtenu de vous un engagement solennel ?“ (4:21)
Le vêtement est symbole du rapprochement et de l’assimilation entre les deux époux. L’assimilation matérielle et morale est évidente dans ce verset:
“Ô enfants d’Adam ! Nous avons fait descendre sur vous un vêtement pour cacher vos nudités, ainsi que des parures. – Mais le vêtement de la piété voilà qui est meilleur.” (7:26)
La tranquillité poursuit l’idée d’assimilation. Elle l’enrichit avec les notions de l’union des cœurs et de la quiétude, dans tout le sens du terme, comme dans ce verset:
“(…) et prie pour eux. Ta prière est une quiétude pour eux. Et Allah est Auditeur et Omniscient.“(9:103)
Le terme arabe (‘ifda’), équivaut à l’union intime. Nous trouvons un seul usage de ce terme dans le verset 21 de la sourate An-Nisâ’. C’est une périphrase faisant allusion à l’association unique qui lie les époux moralement et physiquement avec, comme supplément, l’affection qui ajoute une dimension positive à cette union.
Le terme terre de labour (harṯ), compare la femme à une terre fertile prête pour la semence. Cette périphrase, à son tour, dépasse la relation sensuelle pour atteindre une dimension plus large, faisant allusion à la continuité de la vie, de ses délices et de sa richesse.
“On a enjolivé aux gens l’amour des choses qu’ils désirent : femmes, enfants, trésors thésaurisés d’or et d’argent, chevaux marqués, bétail et champs; tout cela est l’objet de jouissance pour la vie présente, alors que c’est près d’Allah qu’il y a bon retour.” (3:14)
“Quiconque désire labourer [le champ] de la vie future, Nous augmenterons pour lui son labour. Quiconque désire labourer [le champ] de la présente vie, Nous lui en accorderons de [ses jouissances]; mais il n’aura pas de part dans l’au-delà.” (42:20)
Enfin, c’est la miséricorde, qui enveloppe cette relation par l’affection entre les deux conjoints et le souci réciproque.
À ce niveau, nous constatons à quel point, les notions ont réussi à mêler les significations morales et matérielles pour s’adresser à l’individu et à ses sentiments faisant prévaloir la dimension individuelle sur la dimension sociétale.
Nous remarquons en ce lieu la particularité des versets qui ont traité de la relation sexuelle entre les époux et qui ont amalgamé subtilement les deux dimensions morale et sensuelle:
“Cohabitez donc avec elles, maintenant, |
et cherchez ce qu’Allah a prescrit en votre faveur” | (2:187) |
“éloignez-vous donc des femmes pendant les menstrues, et ne les approchez que quand elles sont pures. | Quand elles se sont purifiées, alors cohabitez avec elles suivant les prescriptions de Allah car Allah aime ceux qui se repentent, et Il aime ceux qui se purifient».” | (2:222) |
“Vos épouses sont pour vous un champ de labour; allez à votre champ comme [et quand] vous le voulez, | et œuvrez pour vous-mêmes à l’avance. Craignez Allah et sachez que vous le rencontrerez. Et fais gracieuses annonces aux croyants! “ | (2:223) |
Ces versets qui débutent par une mention directe de la relation sensuelle entre les époux se terminent par un cadre moral, la rendant un acte de foi, ce qui cristallise la complémentarité entre la spiritualité et la matérialité en islam.
Ce cadre moral incite les hommes croyants à traiter leurs épouses avec respect et bonté et à respecter l’état physique ou moral de la femme, ce qui a été repris et résumé dans le verset suivant:
“Et comportez-vous convenablement envers elles” (4:19)
B) Concepts relatifs à la relation conjugale dans le cadre familial:
Par ailleurs, les dimensions extérieures prennent place dans le texte, telles que les exigences journalières et les autres éléments de la famille; c’est là où la passion laisse le terrain au discours de la raison. Nous voyons apparaître les concepts de:
L’entente réciproque, la consultation, la concertation, l’autorité de l’homme, la bienfaisance, la transgression, la réconciliation, la bienséance et la faveur.
“Et quand vous divorcez d’avec vos épouses, et que leur délai expire, alors ne les empêchez pas de renouer avec leurs époux, s’ils s’agréent l’un l’autre, et conformément à la bienséance. Voilà à quoi est exhorté l’un d’entre vous qui croit en Allah et au Jour dernier. Ceci est plus décent et plus pur pour vous. Et Allah sait, alors ce que vous ne savez pas.” (2:232)
“Et les mères, qui veulent donner un allaitement complet, allaiteront leurs bébés deux ans complets. Au père de l’enfant de les nourrir et les vêtir de manière convenable. Nul ne doit supporter plus que ses moyens. La mère n’a pas à subir de dommage à cause de son enfant, ni le père, à cause de son enfant. Même obligation pour l’héritier. Et si, après s’être consultés, tous deux tombent d’accord pour décider le sevrage, nul grief à leur faire. Et si vous voulez mettre vos enfants en nourrice, nul grief à vous faire non plus, à condition que vous acquittiez la rétribution convenue, conformément à l’usage. Et craignez Allah, et sachez qu’Allah observe ce que vous faites.” (2:233)
“Tu fais attendre qui tu veux d’entre elles, et tu héberges chez toi qui tu veux. Puis il ne t’est fait aucun grief si tu invites chez toi l’une de celles que tu avais écartées. Voilà ce qui est le plus propre à les réjouir, à leur éviter tout chagrin et à leur faire accepter de bon cœur ce que tu leur as donné à toutes. Allah sait, cependant, ce qui est en vos cœurs. Et Allah est Omniscient et Indulgent.” (33:51)
“Et faites que ces femmes habitent où vous habitez, et suivant vos moyens. Et ne cherchez pas à leur nuire en les contraignant à vivre à l’étroit. Et si elles sont enceintes, pourvoyez à leurs besoins jusqu’à ce qu’elles aient accouché. Puis, si elles allaitent [l’enfant né] de vous, donnez-leur leurs salaires. Et concertez-vous [à ce sujet] de façon convenable. Et si vous rencontrez des difficultés réciproques, alors, une autre allaitera pour lui.“ (65:6)
“Et donnez aux épouses leur mahr (la dot), de bonne grâce. Si de bon gré elles vous en abandonnent quelque chose, disposez-en alors à votre aise et de bon cœur.“ (4:4)
“Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu’ils font de leurs bien. Les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent ce qui doit être protégé, pendant l’absence de leurs époux, avec la protection d’Allah. Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leurs lits et frappez-les. Si elles arrivent à vous obéir, alors ne cherchez plus de voie contre elles, car Allah est certes, Haut et Grand!” (4:34)
“Le divorce est permis pour seulement deux fois. Alors, c’est soit la reprise conformément à la bienséance, ou la libération avec gentillesse. Et il ne vous est pas permis de reprendre quoi que ce soit de ce que vous leur aviez donné, – à moins que tous deux ne craignent de ne point pouvoir se conformer aux ordres imposés par Allah. Si donc vous craignez que tous deux ne puissent se conformer aux ordres d’Allah, alors ils ne commettent aucun péché si la femme se rachète avec quelque bien. Voilà les ordres d’Allah. Ne les transgressez donc pas. Et ceux qui transgressent les ordres d’Allah ceux-là sont les injustes.” (2:229)
“Vous ne faites point de péché en divorçant d’avec des épouses que vous n’avez pas touchées, et à qui vous n’avez pas fixé leur mahr. Donnez-leur toutefois – l’homme aisé selon sa capacité, l’indigent selon sa capacité – quelque bien convenable dont elles puissent jouir. C’est un devoir pour les bienfaisants.” (2:236)
“Et si une femme craint de son mari abandon ou indifférence, alors ce n’est pas un péché pour les deux s’ils se réconcilient par un compromis quelconque, et la réconciliation est meilleure, puisque les âmes sont portées à la ladrerie. Mais si vous agissez en bien et vous êtes pieux… Allah est, certes, Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites.” (4:128)
“Et les femmes divorcées doivent observer un délai d’attente de trois menstrues; et il ne leur est pas permis de taire ce que Allah a créé dans leurs ventres, si elles croient en Allah et au Jour dernier. Et leurs époux seront plus en droit de les reprendre pendant cette période, s’ils veulent la réconciliation. Quant à elles, elles ont des droits équivalents à leurs obligations, conformément à la bienséance. Mais les hommes ont cependant une prédominance sur elles. Et Allah est Puissant et Sage.“ (2:228)
“Vous ne pourrez jamais être équitable entre vos femmes, même si vous en êtes soucieux. Ne vous penchez pas tout à fait vers l’une d’elles, au point de laisser l’autre comme en suspens. Mais si vous vous réconciliez et vous êtes pieux… donc Dieu est, certes, Pardonneur et Miséricordieux.” (4:129)
“Et quand vous divorcez d’avec vos épouses, et que leur délai expire, alors, reprenez-les conformément à la bienséance, ou libérez-les conformément à la bienséance. Mais ne les retenez pas pour leur faire du tort : vous transgresseriez alors et quiconque agit ainsi se fait du tort à lui-même. Ne prenez pas en moquerie les versets d’Allah. Et rappelez-vous le bienfait d’Allah envers vous, ainsi que le Livre et la Sagesse qu’Il vous a fait descendre, par lesquels Il vous exhorte. Et craignez Allah, et sachez qu’Allah est Omniscient.” (2:231)
“Et on ne vous reprochera pas de faire, aux femmes, allusion à une proposition de mariage, ou d’en garder secrète l’intention. Allah sait que vous allez songer à ces femmes. Mais ne leur promettez rien secrètement sauf à leur dire des paroles convenables. Et ne vous décidez au contrat de mariage qu’à l’expiration du délai prescrit. Et sachez qu’Allah sait ce qu’il y a dans vos âmes. Prenez donc garde à Lui, et sachez aussi qu’Allah est Pardonneur et Plein de mansuétude.” (2:235)
“Et si vous divorcez d’avec elles sans les avoir touchées, mais après fixation de leur mahr, versez-leur alors la moitié de ce que vous avez fixé, à moins qu’elles ne s’en désistent, ou que ne se désiste celui entre les mains de qui est la conclusion du mariage. Le désistement est plus proche de la piété. Et n’oubliez pas votre faveur mutuelle. Car Allah voit parfaitement ce que vous faites.” (2:237)
“Ô les croyants! Il ne vous est pas licite d’hériter des femmes contre leur gré. Ne les empêchez pas de se remarier dans le but de leur ravir une partie de ce que vous aviez donné, à moins qu’elles ne viennent à commettre un péché prouvé. Et comportez-vous convenablement envers elles. Si vous avez de l’aversion envers elles durant la vie commune, il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose où Allah a déposé un grand bien.” (4:19)
Les concepts dégagés dans cet ordre, sont de nature différente; l’accord, la consultation, et la concertation sont prêchées quant aux obligations dictées aux deux conjoints, alors que la bienfaisance, la faveur, et le pardon sont prêchés à un degré plus élevé dans la relation entre le couple où apparaissent l’altruisme et le favoritisme.
Au niveau de la famille, la problématique de l’autorité masculine, et le cas de la désobéissance, font la controverse actuelle au sujet de la femme. Or, cette controverse n’a pas lieu d’être à partir du concept du couple dans la Création en général et à partir du dispositif des valeurs commandant la relation homme/femme que nous venons de décrire dans ce qui précède.
À propos de l’autorité masculine (al qawama), mentionnée au début du verset (4:34), nous trouverons que c’est une autorité de responsabilisation. Les hommes sont chargés de protéger les femmes, d’en prendre soin et de les guider, sous l’étendard de la “bienséance” et la “convenance” que nous allons présenter plus loin. Notons la spécification dans l’expression “en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-là sur celles-ci“, ou “à certains d’entre eux”. Le partitif, peu souligné par les exégèses, pourrait être interprété, par la faveur accordé à certains parmi les hommes eux-mêmes, telle la force, la richesse ou la science, ce qui rend les favorisés aptes à assumer la responsabilité de cette autorité. De même, nous notons le style affirmatif au sujet des femmes: “Les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent ce qui doit être protégé, pendant l’absence de leurs époux, avec la protection d’Allah“. Les femmes vertueuses se protègent elles-mêmes, et protègent leurs époux parce qu’elles sont pieuses et connaissent les ordres divins. Allah invite les croyants à prendre celles-ci comme épouses, dans le verset suivant: “Et quiconque parmi vous n’a pas les moyens pour épouser des femmes libres (non esclaves) croyantes, eh bien (il peut épouser) une femme parmi celles de vos esclaves croyantes.” (4:25)
“Et n’épousez pas les femmes polythéistes tant qu’elles n’auront pas la foi, et certes, une esclave croyante vaut mieux qu’une polythéiste, même si elle vous enchante. Et ne donnez pas d’épouses aux polythéistes tant qu’ils n’auront pas la foi, et certes, un esclave croyant vaut mieux qu’un polythéiste même s’il vous enchante. Car ceux-là [les polythéistes] invitent au Feu; tandis qu’Allah invite, de part Sa Grâce, au Paradis et au pardon. Et Il expose aux gens Ses enseignements afin qu’ils se souviennent !” (2:221)
La foi de ces femmes est la seule garantie de ne pas commettre de turpitude. En fait le Coran donne des exemples de ces femmes vertueuses:
“Et Allah a cité en parabole pour ceux qui croient, la femme de Pharaon, quand elle dit «Seigneur, construis-moi auprès de Toi une maison dans le Paradis, et sauve-moi de Pharaon et de son œuvre; et sauve-moi des gens injustes, (11) De même, Marie, la fille d’Imran qui avait préservé sa virginité; Nous y insufflâmes alors de Notre Esprit. Elle avait déclaré véridiques les paroles de son Seigneur ainsi que Ses Livres : elle fut parmi les dévoués. (12)” (66: 11,12)
La femme de Pharaon Asiya ainsi que Maryam, mère de Jésus présentent deux modèles de femmes vertueuses, qu’elles soient en présence d’un époux pervers ou en absence de l’époux. Elles sont donc en contradiction avec les femmes des deux des prophètes Noé et Lot:
“Allah a cité en parabole pour ceux qui ont mécru la femme de Noé et la femme de Lot. Elles étaient sous l’autorité de deux vertueux de Nos serviteurs. Toutes deux les trahirent [en foi], et ils ne furent d’aucune aide pour [ces deux femmes] vis-à-vis de Dieu. Et il [leur] fut dit : «Entrez au Feu toutes les deux, avec ceux qui y entrent» (66:10)
Le fait d’attribuer la foi et la vertu à la femme en absence du mari, ne dénonce pas la responsabilité de l’homme en tant qu’autorité, mais il démontre la responsabilité assumée par la femme/épouse vis-à-vis de ses actes en bien ou en mal. Et, par là, le rôle d’autorité de l’homme -diriger et réformer les actes de la femme- n’a plus lieu, si celle-ci se comporte conformément à sa foi et sa croyance dans une relation directe avec Allah: “ avec la protection d’Allah “.
Et, quand le Coran traite le problème de la désobéissance de la femme, il y apporte des solutions graduelles et objectives pour résoudre une crise familiale possible. Cette objectivité est encore une fois remarquable quant au concept de l’attestation (en autre terme : l’imprécation), au sujet de l’accusation d’adultère:
“Et quant à ceux qui lancent des accusations contre leurs propres épouses, sans avoir d’autres témoins qu’eux mêmes, le témoignage de l’un d’eux doit être une quadruple attestation par Allah qu’il est du nombre des véridiques (6), et la cinquième [attestation] est «que la malédiction d’Allah tombe sur lui s’il est du nombre des menteurs».(7)
Et on ne lui infligera pas le châtiment si elle atteste quatre fois par Allah qu’il [son mari] est certainement du nombre des menteurs,(8)
et la cinquième [attestation] est que la colère d’Allah soit sur elle, s’il était du nombre des véridiques.[9]” (24:6-9)
Dans ce verset, l’attestation de l’homme est sur le même pied d’égalité que celui de la femme. Par contre, ce n’est pas le cas dans le verset de la dette, concernant le témoignage, dans la sourate al-Baqarah:
“(…) Faites-en témoigner par deux témoins d’entre vos hommes; et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d’entre ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l’un d’elles s’égare, l’autre puisse lui rappeler (…) ” (2:282)
Ce qui relève de la nature particulière du témoignage, donc, il ne s’agit pas de discrimination en genre ou en foi entre l’homme et la femme.
Le concept de la bienséance, ou le “convenable” (al-ma`rouf) est mis en exergue dans les versets traitant du mariage. Le terme et ses dérivations sont réitérés 39 fois dans le texte du Coran, dont 7 fois à propos de la description de la communauté des musulmans ou des croyants:
“Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable, et interdit le blâmable. Car ce seront eux qui réussiront” (3:104)
“Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez en Allah. (…)” (3:110)
“Ils croient en Allah et au Jour dernier, ordonnent le convenable (…)” (3:114)
“Ceux qui suivent le Messager, le Prophète illettré qu’ils trouvent écrit (mentionné) chez eux dans la Thora et l’évangile. Il leur ordonne le convenable, leur défend le blâmable (…)” (7:157)
“Les croyants et les croyantes sont alliés les uns des autres. Ils commandent le convenable, (…)” (9:71)
“Ils sont ceux qui se repentent, qui adorent, qui louent, qui parcourent la terre (ou qui jeûnent), qui s’inclinent, qui se prosternent, qui commandent le convenable (…)” (9:112)
“Ceux qui, si Nous leur donnons la puissance sur terre, accomplissent la Salat, acquittent la Zakat, ordonnent le convenable et interdisent le blâmable (…)” (9:41)
Pourtant le terme est répété 19 fois dans le Coran en ce qui concerne la relation entre les époux: (2:228, 229, 231, 236, 240, 241- 4:19, 25- 60: 12- 65:2, 6).
“Le convenable” ou “al-ma`rouf” est défini comme étant tout fait recommandé par la raison ou par le char’ (la loi). Toute bonne action en fait. Sémantiquement, le terme constitue le cadre de toute relation entre les époux, entre les membres de la famille, voire entre les membres de la communauté des croyants, qui “ ordonnent le convenable et interdisent le blâmable”.
Cette idée est exprimée autrement dans la sourate (An-Nisâ’- Les Femmes), qui traite, entre autres, des conditions de la femme, de la famille, du mariage. Ainsi, on lit dans dans le verset 36:
” Adorez Allah et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers (vos) père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les esclaves en votre possession, car Allah n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant.” (4:36)
“Al-‘Iḥsân” est en fait une forme supérieure de la bonté -terme employé dans la traduction- et parallèle à “al-ma’rouf”. Les deux concepts constituent, en fait, des qualités inséparables dans la communauté des musulmans.
Le texte du Coran a ainsi traité le sujet du mariage, sur plusieurs niveaux sociaux:
- Niveau personnel: la relation entre les époux.
- Niveau familial: le rôle de chacun des époux.
- Niveau général: les époux en tant que partie intégrante de la communauté des croyants appliquant ses règles principales.
Ainsi, la bienséance est recommandé dans les sujets du talion, la succession, outre que le mariage: le choix de l’époux ou de l’épouse, les fiançailles, la relation intime, le divorce, la mort de l’époux. La bienséance (al-ma`rouf) est tout comme, la faveur, al ‘Iḥsan, des valeurs principales, qui doivent régir les relations entre les membres de la communauté des musulmans.
IV- La dimension morale du mariage
Le texte coranique a tenu à souligner dans ses versets traitant du mariage la dimension morale implicite. On trouve ainsi dans les fins des versets (231:235) de la sourate al-Baqarah, l’affirmation de l’Omniscience d’Allah des secrets de l’âme humaine:
“Et craignez Allah, et sachez qu’Allah est Omniscient.” (2:231)
“Et Allah sait, alors que vous ne savez pas.” (2:232)
“Et craignez Allah, et sachez qu’Allah observe ce que vous faites.” (2:233)
“Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites.” (2:234)
“Et sachez qu’Allah sait ce qu’il y a dans vos âmes. Prenez donc garde à Lui, et sachez aussi qu’Allah est Pardonneur et Plein de mansuétude.” (2:235)
Nous décelons là une compréhension profonde de la psychologie humaine qui affecte sans doute la relation entre les époux. Les versets présentent, en outre, un avertissement contre toute injustice morale ou tout acte défavorable vis-à-vis de la femme. Notons que la relation conjugale nécessite la confidentialité, or seul Allah est Omniscient de la conscience humaine.
Soulignons la réitération de l’usage de l’impératif négatif, d’une part, et de l’incitation de l’autre part, ce qui est une caractéristique du style coranique s’adressant à diverses catégories de récepteurs.
Quant au sujet du mariage, son récepteur est très varié : tantôt c’est la femme épouse, tantôt c’est l’homme époux, parfois ce sont les proches ou même toute la communauté des croyants. En cas d’adresse à la femme comme interlocuteur principal, nous lisons:
“Ô femmes du Prophète!” (33: 30,32), “et les mères qui veulent donner un allaitement complet (…)” (2:233), “Et les femmes divorcées doivent observer un délai d’attente de trois menstrues; et il ne leur est pas permis de taire ce que Dieu a créé dans leurs ventres, si elles croient en Allah et au Jour dernier (…).” (2:228), “Ceux des vôtres que la mort frappe et qui laissent des épouses : celles-ci doivent observer une période d’attente de quatre mois et dix jours (…)” (2:234), “Et si une femme craint de son mari abandon ou indifférence (…)” (4:128), “Et dis aux croyantes de baisser leurs regards (…)” (24:31), “Et quant aux femmes atteintes par la ménopause qui n’espèrent plus le mariage (…)” (24:60), “ô Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants (…)” (33:59), “Si vous vous repentez (deux des femmes du prophète) à Allah c’est que vos cœurs ont fléchi (…)” (66:4).
Dans d’autres versets, le discours s’adresse aux deux époux: “(…) alors les deux ne commettent aucun péché en reprenant la vie commune (…),” (2:230), “Et si, après s’être consultés, tous deux tombent d’accord pour décider le sevrage, nul grief à leur faire” (2:233). Enfin, le discours s’adresse à la femme sur le même pied d’égalité que l’homme, parmi la communauté des croyants: “Les croyants et les croyantes sont alliés les uns des autres (…)” (9:71).
Nous soulignons ici une caractéristique méthodologique du style coranique consistant à mettre en relief le rôle de la femme croyante : la répétition de : “ Les croyants et les croyantes” (9: 71,72- 48: 5- 57:12- 71: 28- 85: 10), “(…) S’il n’y avait pas eu des hommes croyants et des femmes croyantes (parmi les Mecquoises(…)” (48:25). Ainsi que dans le verset groupant tous les attributs des croyants: “Les Musulmans et Musulmanes, les croyants et les croyantes, les obéissants et les obéissantes, les hommes sincères et les femmes sincères, ceux et celles qui sont patients (les endurants et les endurantes), ceux et celles qui redoutent Allah, ceux et celles qui pratiquent l’aumône, ceux et celles qui jeûnent, ceux et celles qui sont chastes (gardiens de leur chasteté et gardiennes), invocateurs souvent d’Allah et invocatrices : Allah a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense.” (33:35)**
Bien qu’elle soit de l’ensemble des croyants, la désignation de la femme de cette sorte, affirme son rôle actant et indépendant de l’homme, partout dans la société.
D’autre part, le discours s’adresse, dans la presque totalité des versets traitant du mariage, à l’homme en tant que mari ou tuteur ou responsable de l’épouse, étant donné que la femme est protégée par un homme de ses proches. D’où, le discours incite ceux-là à bien traiter la femme épouse et à lui assurer tous ses droits. Notons les modes impératif et impératif négatif qui constituent le cadre de la bienséance envers la femme:
Impératif négatif |
Impératif |
-Ne les faites pas sortir de leurs maisons.
-Ne cherchez plus de voie contre elles. -Ne cherchez pas à leur nuire en les contraignant à vivre à l’étroit. -Ne les empêcher pas. -Ne les retenez pas pour leur faire du tort. -N’en reprenez rien (du mahr). -Ne prenez pas en moquerie les versets d’Allah. -Ne vous penchez pas tout à fait vers l’une d’elles, au point de laisser l’autre comme en suspens. |
-Donnez-leur, quelques biens convenables dont elles puissent jouir. -Donnez aux épouses leur mahr. -Et comportez vous convenablement envers elles. -Reprenez-les conformément à la bienséance. -Libérez-les conforment à la bienséance. -Et faites que ces femmes habitent où vous habitez. -Pourvoyez à leurs besoins. |
En revanche du style strict de l’injonction, le langage du Coran s’oriente à toucher avec raffinement les sentiments, pour régler ce que les lois ne peuvent pas fixer. Considérons de près ce verset: “Et comportez-vous convenablement envers elles. Si vous avez de l’aversion envers elles durant la vie commune, il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose où Allah a déposé un grand bien” (4:19). Le fait de mentionner (l’aversion) puis la promesse de la faveur de la part d’Allah, s’adresse directement à l’esprit, transformant, alors, toute charge négative en une charge positive, et remplaçant la haine par la confiance en la promesse d’Allah. Parallèlement, d’autres versets dégagent clairement les droits de la femme au moment du divorce, si “l’aversion” est poussée à l’extrême.
Considérons de même ce verset : ” Si vous voulez substituer une épouse à une autre, et que vous ayez donné à l’une un quintâr, n’en reprenez rien. Quoi! Le reprendriez-vous par injustice et péché manifeste?(20).
Comment oseriez-vous le reprendre, après que l’union la plus intime vous ait associés l’un à l’autre et qu’elles aient obtenu de vous un engagement solennel ?(21)” (4: 20-21)
Soulignons la répétition de l’interrogation : “Le reprendriez-vous?”, et “ Comment oseriez-vous le reprendre?” qui manifeste la réprobation d’une telle action. Ainsi que les termes utilisés : “l’union la plus intime vous a associés”, et “un engagement solennel”, pour désigner le lien du mariage, affirmant l’importance de ce lien et sa particularité, et mettant en garde contre toute injustice en ce domaine.
Quant au verset: “Et donnez aux épouses leur mahr, de bonne grâce. Si de bon gré elles vous en abandonnent quelque chose, disposez-en alors à votre aise et de bon cœur.” (4:4), méditons la réciprocité des termes : “de bonne grâce“, “ de bon gré”. Le premier c’est le don du mahr par le mari, tandis que le second (de bon gré), revient à la femme, qui donne volontairement une part du mahr à son mari. Le terme diffère de (agréer ou accepter) qui pourrait être par persuasion ou par pression, mais le terme utilisé dans ce contexte exprime la complaisance totale. Ainsi la fin du verset convient parfaitement à ce sens par l’emploi de “de bon cœur”.
Un discours de même nature s’adresse subtilement aux sentiments comme dans ce verset : “Et on ne vous reprochera pas de faire, aux femmes, allusion à une proposition de mariage, ou d’en garder secrète l’intention. Allah sait que vous allez songer à ces femmes. Mais ne leur promettez rien secrètement sauf à leur dire des paroles convenables. Et ne vous décidez au contrat de mariage qu’à l’expiration du délai prescrit. Et sachez qu’Allah sait ce qu’il y a dans vos âmes. Prenez donc garde à Lui, et sachez aussi que Dieu est Pardonneur et plein de mansuétude.” (2:235)
Allah connaît certes, le secret des consciences. Il s’adresse alors aux croyants scrupuleux, pour les rassurer et leur montrer les limites psychologiques acceptables par le char` ainsi que les limites acceptables des actes prohibés par cette expression: “ Mais ne leur promettez rien secrètement “.
L’adéquation de l’expression stylique du texte coranique s’exprime parfaitement dans ce verset:
“Et si vous craignez de manquer d’équité à l’égard des orphelines, épousez alors des femmes, selon votre convenance: deux, trois ou quatre, mais, si vous craignez d’être partiaux, limitez vous à une seule, ou à votre droite propriété. Vous seriez dans ce cas plus proche de l’équité.” (4:3)
Dans l’exégèse d’Ibn kaṯîr, selon al-Buḫâry: `Abd-al-`Aziz bin `Abdullah nous a rapporté d’après Ibrahîm bin Sa`d, d’après Salih bin Kayssân, d’après bin šehab,: `Urwa fils de Zayd a demandé à `A’icha le sens de “Et si vous craignez de manquer d’équité à l’égard des orphelines“. Elle lui a répondu: “Ô, mon neveu, cette orpheline est celle qui est élevée chez son tuteur ; il lui assure ses besoins par ses propres dépenses, or, elle lui plaît par sa beauté et son argent, alors il veut l’épouser sans être équitable dans la donation du mahr ; il ne peut donc l’épouser à moins de lui donner son mahr équitablement, et selon le maximum des mahr donnés parmi les filles de son âge et de son entourage.”**
Nous remarquons de prime abord que ce verset avance la réponse à la question posée par les musulmans : “Et ils t’interrogent au sujet des droits des femmes: Dis-leurs : «Allah vous indique les règles qui les régissent, vous rappelant ce qui vous a été enseigné dans le Livre concernant les orphelines auxquelles vous ne rendez pas ce qui leur a été prescrit tout en désirant les épouser, ainsi que le cas des mineures encore d’âge faible. Vous devez agir avec équité envers les orphelins. Et de tout ce que vous faites de bien, Allah en est, certes, Omniscient.” (4:127)
Notons que le discours s’adresse aux gens pieux qui cherchent à éviter les péchés, ce qui les a incités à s’enquérir auprès du prophète que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui. C’est un appel qui leur est adressé de s’abstenir de puiser dans l’héritage des orphelines. Les hommes tuteurs, qui voudraient s’octroyer l’argent de ces orphelines en les épousant feraient mieux d’épouser des femmes tierces, même s’ils auront par là plus qu’une épouse (deux, ou trois ou quatre). Il est intéressant de signaler la particularité du style coranique, en citant la permission de la polygamie dans un lieu où il exhorte à la chasteté et à l’abstinence; laissant entendre que la polygamie conditionnée selon le char` est un moyen de chasteté.
Le verset 3 de la sourate “Les Femmes“, organise des probabilités et avance les solutions dans l’ordre d’assurer la justice dans tous les cas possibles:
“Et si vous craignez de manquer d’équité … épousez.
Si vous craignez d’être partiaux, limitez-vous à une seule.
Vous seriez dans ce cas plus proche de l’équité. “
Par souci de justice et d’abstinence, l’ordre divin vise à détourner les interlocuteurs d’épouser les orphelines dont ils sont responsables, mais de se marier avec d’autres femmes qu’ils peuvent choisir. De même, par souci de justice, l’ordre est de se limiter à une seule épouse, et, en fin du verset, vient l’affirmation que cet état de chose est plus proche de l’équité. Le style, à la fois profond et simple, varie entre des états moraux différents, avançant à chaque fois une promesse et un conseil.
Selon Gamal el Bana, dans son livre “Vers un nouveau fiqh” : “L’un des plus grands handicaps des anciens pour parvenir au secret du style coranique fut de ne pas relier la formulation des termes utilisés avec le but visé. Or le Coran a été révélé pour guider les hommes, en d’autres termes, créer l’âme humaine d’une nouvelle création fondée sur la foi. Or il existe certes, un lien profond entre le moyen et le but.”
Le moyen étant le style de ce discours qui apprécie les sentiments et la faiblesse humains:
“Allah veut vous éclairer, vous montrer les voies des hommes d’avant vous, et aussi accueillir votre repentir. Et Allah est Omniscient et Sage (26).Et Allah veut accueillir votre repentir. Mais ceux qui suivent les passions veulent que vous incliniez grandement (vers l’erreur comme ils le font) (27). Allah veut vous alléger (les obligations,) car l’homme a été créé faible (28)” (4:26-28)
Le discours coranique est constamment concerné par la relation conjugale, accusant une attention particulière à la psychologie de la femme épouse. Cela est clairement exprimé lorsqu’on aborde la notion de la “jouissance” comme dans le verset 236 de la sourate al-Baqarah. Le concept de jouissance ne se limite pas au plaisir sensuel. Mais, dans ce verset, c’est le fait de rendre à la femme divorcée quelques biens dans le but de la consoler et d’apaiser sa détresse après la dissolution du mariage par le divorce. Il en est de même dans le cas des veuves qui ont le droit de résider chez elles pour une année, tout en étant entretenue par l’argent de son mari décédé (2:140); et ce, pour lui assurer la sécurité après la mort de son époux, soutien de la famille. Toutefois, il ne lui est pas interdit de sortir de sa maison mais d’être libre de passer le délai de viduité selon sa propre volonté. Le droit à la jouissance matérielle attribuée à la femme, n’est donc pas le prix de la relation intime, comme l’interprètent plusieurs propositions du fiqh.
Pour conclure, le discours coranique est toujours conscient de la psychologie des deux parties de la vie commune et de la morale réciproque dans cette relation. Il institue par là un dispositif moral et psychologique parallèle au dispositif de la loi écrite. Ces deux dispositifs constituent ensemble ce que l’on pourrait considérer comme étant “les limites prescrites par Allah“. Cette expression est répétée 12 fois dans le texte coranique dans des séquences concernant la relation entre homme et femme.
V- Le fiqh et l’absence de la condition morale (le modèle du contrat du mariage).
De prime abord, nous remarquons que le fiqh a opté pour utiliser le concept du “nikaḥ” dans le chapitre des Transactions (al-mu`âmalât), sous la rubrique “Le livre du nikaḥ” (ce terme, récurrent dans le texte coranique, équivaut au terme “mariage” mais diffère du terme zawâj). Ce terme apparaît dans le texte coranique à plusieurs reprises dans les sourates (2, 4, 24, 28, 33, 60).
Les jurisconsultes ont d’abord défini le terme du point de vue linguistique signifiant “embrasser”, “interpénétrer” (ex. les arbres font acte de nikaḥ quand ils se rapprochent les uns des autres). Ils désignent deux dimensions du terme sur ce plan : le contrat du mariage et le fait de s’accoupler avec l’épouse.
Quant au niveau technique et juridique, le nikaḥ est défini comme étant le contrat permettant la relation sexuelle et la cohabitation avec la femme après le mariage.
Sur le plan du char`, les deux sens sont toujours en cours. L’exégète Ibn-kaṯîr a ainsi interprété le verset (230) de la sourate 2: al-Baqarah : “(…) alors elle ne lui sera plus licite tant qu’elle n’aura pas épousé un autre. (…)“. Le sens visé ici est l’union intime avec un autre époux au cours d’un mariage valide. Les jurisconsultes s’appuient sur un hadith du prophète – que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui- disant : une femme interrogea le prophète au sujet d’un homme divorçant sa femme trois fois consécutivement ; mais si elle se marie à un tiers sans que ce dernier ne la touche, est-ce qu’elle pourrait retourner à son premier mari? Il répondit que c’est interdit, il doit y avoir une union conjugale complète pour qu’elle puisse re-épouser son premier mari.
D’autre jurisconsultes sont d’avis que ce terme désigne toujours le contrat du mariage, sauf dans le verset (6) de la sourate 4: al-Nisâ’ : “Et éprouvez (la capacité) des orphelins jusqu’à ce qu’ils atteignent (l’aptitude) au mariage“. Le sens voulu étant l’âge de la puberté.
Ainsi, l’opinion des partisans des différentes rites, tels les hanafites et les hanabilites, varie entre les deux portées du sens.
Nous trouvons, jusqu’ici que la définition terminologique s’est limitée aux deux partis du contrat et à l’union conjugale, s’attachant au sens matériel et négligeant l’aspect moral et psychologique ainsi que les retombées sociales si essentielles à ce sujet. Or, si le mot nikaḥ désigne chez les arabes le mariage ou le contrat de mariage, il aurait été plus adéquat d’inaugurer ce chapitre dans les livres du fiqh par la définition de cet acte comme étant un événement social, concernant le peuplement, ayant des dimensions matérielles et morales, celles-ci étant mentionnées maintes reprises au cours du texte coranique. Ce qui n’est pas le cas bien que certains écrivains se soient contentés d’avancer une introduction générale, citant les hadiths qui incitent au mariage afin de sauvegarder les générations et de se protéger de la séduction. Ils divergent sur la prescription du mariage, toutefois ils sont d’accord qu’il est prescrit en cas de désir et relié à la capacité physique et matérielle. Tandis que al-Chaf`i est d’avis qu’il est permis, tout comme pour la vente et l’achat, alors que les Zâhirites ont dit qu’il est une obligation religieuse de solidarité. Pourtant certains jurisconsultes l’ont jugé recommandable et d’autres l’ont considéré comme étant obligatoire.
Les chapitres du livre du nikaḥ varient entre différents sujets et problèmes. Celui traitant des piliers du mariage présente les différents points de vue des imams. Pour les chafiites, ces piliers sont au nombre de cinq: la formule prononcée, un époux, une épouse, un tuteur de l’épouse et deux témoins. Les malikites y ajoutent le mahr (somme avancée de l’époux à l’épouse). Tandis que les hanabalites désignent trois piliers: deux époux et une formule. Chez les hanafites, seule la formule compte. Le tuteur dit au prétendant : je te donne en épouse (en nommant l’épouse) et celui-ci répond : j’accepte. Il est à noter que la formule prononcée présente un sujet de discorde entre les ulémas: pour les chafiites le contrat n’est pas valide si le prétendant répond par: j’accepte ou j’accepte en mariage, tandis que les hanbalites et les malikites le considère comme valide. Or, chez les hanafites le contrat du mariage est valide par des formules de vente ou d’achat ou de don. La forme est poussée à l’extrême, comme si c’était un contrat de possession!
De même, il est à noter que les piliers cités ci-dessus ne soulignent pas l’agrément ou l’intention comme étant une condition indispensable, mais ils y sont abordés d’une manière subsidiaire à travers les sous-titres et ne jouissent pas de leur statut constitutif.
Pourtant, le pilier du tuteur de la femme (al-waly) a une importance majeure chez les chafiites, les malikites et les hanbalites, s’appuyant sur le principe que “nul mariage n’est valide qu’en présence du waly”. Certains d’entre eux interprètent ce principe par l’incapacité de la femme à raisonner, à cause de ses sentiments qui pourraient la tromper ou la mener à de faux jugements la mettant dans une situation de risque. Or, si le tuteur lui permet de prendre un homme comme époux, cela sera plus sûr pour elle. Une autre raison est de maintenir la femme loin de ce qui est susceptible de la mettre dans une situation embarrassante.
Il faut souligner que les hanafites trouvent que le hadith concernant l’importance de la présence du tuteur comme condition de la validité du mariage est un hadith forgé. Ils avancent deux preuves: le premier en est que la mère des croyants `A’icha -qu’Allah l’agrée- a donné en mariage sa nièce Ḥafsa, fille de son frère Abdur-Rhaman, lorsqu’il était en voyage et il est impossible qu’elle rapporte un hadith et ne l’applique pas. La deuxième preuve en est que l’un des rapporteurs de ce hadith, al-Zuhri, a été interrogé à propos de ce hadith et l’a dénié.
La question de la responsabilité est traitée à travers beaucoup de détails, à savoir les conditions requises pour tout tuteur, les catégories de tuteurs. À titre d’exemple, on discute quel est le tuteur le plus approprié : le grand-père ou le frère, est-ce que le fils pourrait être tuteur pour le mariage de sa mère, la turpitude interdit-elle le statut de tuteur, et le tuteur a t-il le droit d’obliger la femme ou non (selon les différents cas)?
Soulignons que le libre choix est un droit irrévocable en faveur de l’homme, tandis que ce n’est pas le cas pour la femme, mais il est recommandé. D’autant plus, les malikites, les chafiites et les hanbalites ont permis qu’il soit de l’autorité du responsable d’obliger la femme pubère vierge à se marier sans nécessiter son agrément.
La dot (mahr) est traitée dans un chapitre important au cours duquel nous pouvons lire ce qui suit: “Le contrat de mariage n’est pas stipulé en soi mais afin d’assumer d’autres objectifs. Ces derniers ne se réalisent que si le mariage se poursuit. Or la poursuite du mariage est redevable à la dot enregistrée dans le contrat et payée par le futur époux, vu les problèmes que pourraient affronter les deux époux ; ce qui risque de pousser l’époux au divorce. Alors, si le mahr n’est pas affiché dans le contrat, le mari pourrait éluder toute inconvenance en anéantissant le contrat. Les objectifs du mariage s’effectuent par l’agrément, et l’agrément rend hommage à la femme auprès de son époux. Sa dignité est sauvegardée s’il n’est possible de l’approcher qu’après la donation d’une somme importante de la part de l’époux, parce qu’on accorde plus de valeur à ce qu’on estime difficile à avoir, et on ne s’intéresse pas trop à ce qu’on peut recevoir facilement. Or, si le mari ne sent pas la valeur de son épouse, elle sera attristée, et l’agrément n’existerait plus, et par suite, les objectifs du mariage ne seront plus appliqués, toutefois elle restera en état d’appartenance à son mari”.
Plus loin, nous lisons: “Les biens offerts à la femme pour la cohabitation en mariage sont stipulés par le char` car le mariage c’est le moyen d’avoir des descendants, alors c’est un hommage rendu à l’être humain. (…) “La femme a le droit de se refuser à son mari s’il ne lui rend pas tout le mahr indiqué, ceci fait, elle peut accepter de se donner à son époux… En fait le mahr est une récompense de son coït, tout comme un prix donné pour un produit, et le vendeur a le droit de refuser de donner le produit jusqu’à obtenir le prix complet.”
Certes la sauvegarde des droits, surtout ceux de la femme, y compris ses droits financiers, est stipulée à maintes reprises au cours du texte coranique. Mais il n’en est qu’une partie restreinte dans le dispositif du mariage. La conception de “l’appropriation du coït” abordée par le fiqh hanafite, comme étant le cœur du sujet du mariage, est en quelque sorte logique par le fait que le mariage octroie à l’homme tout droit sur sa femme, et lui consacre une union physique et morale que le Coran a mentionné par les termes suivants: “… après que l’union la plus intime vous ait associés …” (4:21). Toutefois, il n’est pas adéquat de se restreindre à cette question qui pourrait en quelque sorte porter préjudice à la dignité humaine en général, en dénigrant la valeur morale et psychologique du mariage en particulier.
On reproche aux ulémas de ne pas accorder une importance égale à la question de l’agrément égale à l’intérêt qu’ils portent au mahr, tous deux visant à conserver la dignité de la femme.
De même, dans les textes de fiqh, une dimension importante est accordée à la parité entre les époux. La femme doit épouser un homme qui lui est égal à divers niveaux spécifiés par les ulémas. Les chafiites les désignent ainsi:
– La religion: celui qui a embrassé l’islam n’est pas égal à celui qui est né de père musulman.
– Les origines: celui qui n’est pas d’origine arabe ne convient pas à une femme arabe, ni le non koraychite à une femme koraychite (de la tribu de Koraïche de la Mecque).
– Le métier: celui qui a un métier modeste, n’est pas égal à celui qui pratique un métier honorable.
– La chasteté par souci religieux et la piété: Le corrompu n’est pas égal à une femme chaste et pieuse.
– Celui qui est placé sous interdit juridique pour cause de handicap mental n’est pas égal à une femme raisonnable.
– La liberté: l’esclave n’est pas acceptable pour une femme libre.
– Être dépourvu de défauts physiques.
Quant à l’imam Malik, il insiste sur la parité au niveau religieux uniquement.
Ces conditions comme critères de validité du mariage d’une part et la nécessité de la présence d’un tuteur de la femme pour exécuter le mariage, d’autre part, sont la preuve d’une réalité indéniable: l’intérêt porté par l’homme arabe pour la préservation d’une race pure, héritage tribal que le Coran a abrogé en instaurant l’égalité parmi les musulmans de toutes les races et les ethnies. Cet héritage tribal a eu ses répercussions sur la question du mariage et surtout après la propagation de l’islam dans plusieurs pays étrangers. De peur d’être impliquée dans un choix non adéquat aux critères tribaux, on tenta de pousser la femme à rester au foyer afin de ne pas fréquenter les étrangers (musulmans d’autres ethnies). De même, il devint nécessaire de renforcer l’autorité du tuteur. Même dans le fiqh hanafite qui est le seul à octroyer à la femme adulte raisonnable le droit de choisir son époux et de se présenter dans le contrat du mariage par elle-même sans nécessité de tuteur, ce fiqh se rétracte pour affirmer que si le tuteur trouve une inconvenance concernant le mari, il a le droit de présenter une revendication au juge pour annuler le contrat s’il n’y a pas parité avec l’époux.
Ainsi, nous trouvons dans les livres du fiqh, de longs chapitres qui exposent les cas des femmes prohibées en mariage et celles permises en polygamie ainsi que des détails concernant le contrat, la relation intime entre les époux et les conséquences qui s’ensuivent. Nous trouvons alors un grand nombre de détails abstraits sans nuances ni sentiments et dans lesquels la voix de la femme est absente; elle est toujours subordonnée, jamais actant, ni locuteur, ni interlocuteur.
Pour conclure, nous pouvons présenter deux faits concernant le traitement de la question du mariage par le fiqh:
-Le discours du fiqh, est un discours humain, influencé par son contexte. Or le contexte est la culture qui conditionne la compréhension et l’interprétation du texte religieux: le Saint Coran et la Tradition du prophète –que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui-. À partir de cette influence, les intellectuels de l’époque ont légalisé la modification qui a eu lieu au sujet du khalifat et ont attesté qu’il doit être descendant de Koraïche. Les livres du fiqh ont multiplié les chapitres portant sur les rites et les transactions et ont abandonné la question de l’imam en général, question reléguée aux livres traitant de la croyance en Dieu, unique. Dans le même cadre, ils discutent des questions concernant la femme, dans un contexte culturel, comblé de réticences à l’égard de la femme.
-Une perspective discriminatrice du genre, limitant la femme à sa sexualité a dirigé les questions concernant la femme expliquant le pourquoi des études rudimentaires, souvent contradictoires la concernant. Dans les écrits historiques, nous relevons le rôle actif de la femme, tandis que les législations se sont confinées à ses qualités physiques. Il suffit de rappeler les différentes situations des femmes dans la biographie du prophète –que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui. Elles agissaient dans la vie sociale, participaient dans les discussions avec le messager d’Allah, posaient des questions pour s’enquérir de leurs devoirs et de leurs droits, à partir des hadiths qui sont considérés, comme sources de jugements. Toutefois, on néglige l’implicite qui se dégage des attitudes de ces femmes, si dignes et si braves interrogeant à propos de questions délicates, en présence des compagnons du prophète –que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui-, tout en jouissant de son respect pour elles-mêmes et pour les questions posées.
Par contre, nous remarquons que le texte coranique a abordé la question de la relation conjugale avec des termes précis mais réservées, sans dénigrement ni exagération. Mise à part la question du genre, les femmes et les hommes sont, dans le texte, sur le même pied d’égalité, quant aux rites, devoirs ou droits.
Le Coran raconte le récit du prophète Yûsuf avec la femme de l’intendant d’Egypte ainsi que le récit du prophète Moïse avec les filles de Šu`ayb et des scènes de la vie quotidienne du Prophète –que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui-. Dans ces séquences, il est fait allusion aux passions humaines: désir, jalousie, chasteté. Des sentiments communs à tous les humains que le texte ne renie pas, mais il les guide et les rectifie, tout en acceptant le repentir. C’est ici l’histoire de l’humanité dès la création d’Adam, l’ordre divin de s’abstenir de manger de l’arbre et la transgression d’Adam et de son épouse, puis leur repentir, suivi de l’agrément d’Allah. Advient en dernier lieu l’avertissement que Satan sera toujours l’ennemi du genre humain et que les descendants doivent y prendre garde.
Allah a crée l’homme et connaît sa nature et ses faiblesses: “Allah n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité…” (2:286), et “Allah n’impose à personne que selon ce qu’Il lui a donné …” (65:7), et Il accepte le repentir de ses serviteurs : “sauf ceux qui se sont repentis, corrigés et déclarés : d’eux Je reçois le repentir. Car c’est Moi, l’Accueillant au repentir, le Miséricordieux.” (2:160)
Conclusion: Vers une intégration des dimensions morales au cœur de la structure culturelle et juridique.
Cette étude soulève plusieurs questions, entre autres : si la dimension morale fait partie inhérente du système juridique et règlementaire organisant la conduite humaine en général à travers le texte coranique, en quelle mesure la codification des livres du fiqh et les règlementations de la loi ont-elles pris en considération cette dimension, surtout en ce qui concerne les questions concernant la femme? Comment est-il possible de garantir l’intégration de cette dimension dans la législation et la pratique? Comment peut-on envisager la société, si son unité primitive, la famille, est régie par les conceptions de bienséance, d’agrément et de piété dans l’interaction avec le conjoint?
Certes, les pratiques sur le terrain se sont surtout préoccupées des procédures aux dépens de la morale, ce que l’on a pu déceler au cours des études concernant la femme et le traitement par les législateurs de la question du mariage, du point de vue conception et législation. Ce qui élargit le fossé entre les études humaines déficientes et le discours divin omniscient. Ce fossé engendre des tollés et des attaques contre l’islam sous prétexte d’atteinte au statut de la femme!
En fait, l’auteure de ces lignes ne se prétend pas experte en la question pour mener une argumentation législative ou juridique, ni possédant la compétence nécessaire pour corriger le code en vigueur et le mettre au niveau du discours coranique. Par contre, elle est parfaitement consciente de l’importance de suivre les directives divines afin de sauvegarder la religion elle-même des différentes attaques, d’y trouver toujours des preuves indiscutables et d’y trouver un guide et une miséricorde pour les musulmans. Espérons que d’autres études relevant de différentes spécialités puissent combler le fossé entre les directives coraniques et les codes de la loi et ses pratiques.
La scène culturelle contemporaine témoigne de divers efforts procédant à une relecture des livres de fiqh à la lumière du texte coranique, essayant de remettre la tradition héritée dans le courant de la réflexion coranique authentique. De même, des études s’intéressent à bien déterminer les confins du prescrit et du défendu, en se référant au texte saint et aux hadiths véridiques du prophète – que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui-, soulignant clairement les limites de l’interdit et délimitant l’espace de la grâce et du pardon divins: “Ô vous les croyants ! Ne posez pas de questions sur des choses qui, si elles vous étaient divulguées, vous mécontenteraient. Et si vous posez des questions à leur sujet, pendant que le Coran est révélé, elles vous seront divulguées. Allah vous a pardonné cela. Et Allah est Pardonneur et Indulgent” (5:101)
Et le prophète – que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui- a dit: “Ce qu’Allah a décrit comme licite dans son livre est donc licite, et ce qu’Allah a prohibé, est donc illicite et ce qu’Allah a passé sous silence c’est de par Sa grâce, Allah certes, n’oublie jamais : “ton Seigneur n’oublie rien.”*
Les études s’intéressent en outre, à la question de “limiter le champ des prétextes” surtout dans les cas concernant la femme. On essaye alors, dans ces études, d’envisager la méthode du Coran si compréhensive, exhaustive de la nature humaine, pour développer à sa lumière un fiqh en accord avec l’actualité et la nature humaine se substituant ainsi au fiqh en cours, rigide et proche de la loi.
Parallèlement, il revient à la femme elle-même d’assumer son rôle, consciente de ses droits et de ses responsabilités, aussi bien en société que dans sa famille et dans la vie culturelle. De là naîtra une conscience sociale commune assimilant la richesse des potentialités humaines, religieuses et culturelles, prenant en compte l’essence même de l’être humain et non les apparences et les différences de genre, et loin de toute subjectivité.
Traduit par: Amira Mokhtar***
Revisé par: prof. Héba Machhour****
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* publié en langue arabe en Octobre 2002 daus la revue intitulée “Women & Civilization”.
** Docteur en sciences politiques et membre de la Société des études sur les femmes et la civilisation.
*** Chercheur et traducteur égyptien.
**** Professeur de langue française. Département de langue française. Faculté des lettres, Université du Caire.
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- منصور بن يونس بن إدريس البهوتي، كشف القناع عن سنن الإقناع، تحقيق هلال مصيلحي مصطفى هلال، بيروت، دار الفكر 1402 هـ.
- حسين بن محمد المحلي الشافعي، الإفصاح عن عقد النكاح على المذاهب الأربعة، تحقيق: علي محمد معوض وعادل أحمدعبد الجواد، حلب: دار القلم العربي، 1995.
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