La Mondialisation et la Perspective des Valeurs

La Mondialisation et la Perspective des Valeurs

Par: Mohga Mashhour*

Présenter une vision islamique contemporaine dans le domaine économique et sociale est rendue plus difficile et compliquée à cause de la prédominance de la «mondialisation» en tant que vision occidentale globale du monde. Une vision qui pénètre parfois directement et brutalement[1] dans nos sociétés et qui d’autre fois s’infiltre indirectement à travers les médias qui font la propagande des idées et des produits d’une manière impressionnante et attrayante.

Il s’avère donc l’ampleur du conflit qui oppose deux modèles:

Le modèle occidental de la mondialisation consommatrice: ce modèle éthiquement neutre n’est soumis à aucune absolue sauf à la référence du “marché”, il vise le maximum de jouissance dans la vie, cherche le plaisir excessif et les avantages sensuels, et la’ tout le monde -individus et communautés dans les pays du monde entier– doit se soumettre à ce modèle occidental, même si cela est incompatible avec leurs héritages idéologiques et culturels, et même si le niveau économique de ces pays ne le permet pas. Les défenseurs de ce modèle font valoir que pour éliminer le fossé qui sépare les pays pauvres et sous-développés des sociétés industrielles avancées, ces pays-là doivent adopter les modes de consommation répandus en Occident, or ces modes ne peuvent être financés qu’aux dépens des besoins essentiels de leurs peuples; par conséquence les riches accumulent plus de richesse tandis que les pauvres s’appauvrissent davantage.

Le deuxième modèle est le modèle islamique basé sur la foi et la valeur: un modèle qui a pour référence des absolues et des valeurs dont le marché n’est pas l’une d’entre elles, et dont l’objectif est de mener une “bonne vie” el “7ayat el tayeba”, ce concept implique un équilibre entre le matériel et le spirituel. Cette vision est complètement opposée à celle que l’Occident tente de promouvoir par tous les moyens.

Nous étalerons en ce qui suit les composants de chaque modèle:

1.Le Modèle Occidental:

Il envisage le monde d’une vision matérielle consommatoire, son ultime but est de tirer le maximum de plaisir dans la vie. C’est cette vision matérialiste de consommation qui promeut « les valeurs du marché » et cherche à transformer les sociétés en un grand marché où la logique de la marchandise devient le centre et  son axe de rotation. Les relations sociales et humaines deviennent de la sorte une marchandise au sens littérale du mot: intérêts mutuels, utilitaires, contractuels et matériels. Dans ce modèle les préoccupations et les rêves de l’homme sont centrés sur le matériel[2].

La maîtrise de la marchandise sur l’individu découle de ce que certains chercheurs ont appelé “la société spectacle ou la communauté du show”[3], dans une telle société où la communauté est contrôlée par les médias – télévision, satellite, CD, Internet, etc.– les valeurs et les idéaux humains deviennent eux même des marchandises. Dans la société du show, les individus sont des spectateurs passifs, soumis au pouvoir de cette image, et de ce spectacle; ils deviennent des consommateurs non seulement de biens mais aussi d’idées. Sur l’arrière-plan de ce show, des capitales s’accroissent et des stars sont forgés en faveur de ce modèle.

Exporter l’image d’une société consommatrice de luxe des pays capitalistes vers les pays sous-développés, ou des classes opulentes vers les classes moyennes et pauvres à travers l’image est d’autant plus facile vu la tendance instinctive de l’individu au luxe et à la consommation matérielle. Les sociétés dominées par la vision consommatrice souffrent d’une gamme de déséquilibres que nous présentons dans les aspects suivants:

D’abord: La dominance de la vision consommatrice, matérielle rend la majorité des individus dans la société en un état de pauvreté relative dans leur quête pour obtenir plus de biens et de services que leurs capacités financières ne le permettent.

Deuxièmement: Ce parcours acharné de la part des membres de la communauté vers plus de consommation –quel que soit leur pouvoir d’achat- engendre des relations conflictuelles, concurrentielles qui menacent sa stabilité et ravagent les relations humaines de ses concitoyens.

Cela conduit à l’émergence de nombreux déséquilibres sociaux et économiques dans les sociétés sous-développées, à cause de la hâte vers le gain rapide de l’argent pour répondre aux aspirations consommatoires sans fin. Ces déséquilibres apparaissent sous plusieurs formes, citons: la forme des moyens parasites de gagner de l’argent de la manière la plus courte, qui est généralement des moyens non productifs et peu utiles dans l’économie de cette société -comme le courtage et la spéculation- ou sous la forme de crimes financiers -comme le détournement de fonds et la corruption- ou sous la forme de moyens illicites de gagner de l’argent -tels que le commerce de la drogue et le commerce des armes. La société est alors dominée par une image déformée d’une économie loin des buts du développement, improductive et épuisée dans des transactions non rentables.

Troisièmement: Les sociétés consommatrices se caractérisent également par la proportionnalité entre la position sociale de l’individu et ses biens. Or, tout au long de l’histoire des sociétés humaines, le statut social de l’individu était déterminé soit par son statut naturel, hérité de sa famille, à l’instar des nobles ou d’aristocrates, soit par le statut acquis par les efforts dans le domaine scientifique et fonctionnelle, ou dans le domaine des œuvres de charité. Ceci engendre dans la société un mouvement perpétuel ascendant (ou descendant) de ses individus, en fonction de leur succès, de leur productivité et de leur présence au niveau communautaire. Cependant, dans les sociétés consommatrices, le statut social de l’individu est défini par son prestige matériel exprimé par un ensemble de biens et de services coûteux, et traduit par un mode de vie et de lieux de luxe fréquentés uniquement par ces individus. Le reste de la communauté vit dans le rêve d’accéder à ce prestige matériel et d’être accepté dans la communauté de luxe, même s’ils n’ont pas les possibilités matérielles qui leur permettent de réaliser ce rêve. On constate souvent que ceux qui aspirent au prestige matériel appartiennent parfois effectivement à une classe sociale -naturelle ou acquise- supérieure a ceux qui occupent la première place dans la nouvelle image de la société.

Quatrièmement: Dans les sociétés consommatrices, la valeur de l’homme et de sa morale sont sacrifiées au profit du plaisir et du bonheur; l’individu devient un facteur économique, il n’est plus défini en fonction de son humanité et de sa morale, mais en fonction de son revenu et de son niveau de vie. Par conséquence; des maladies sociales sont propagées dans la communauté telles la concurrence, l’imitation, et l’arrogance au détriment de nombreuses valeurs fondamentales nécessaires à toute communauté saine, telles que la compassion, la fraternité et la solidarité. Dans cette société déformée, la participation des riches aux œuvres de charité devient souvent essentielle pour le prestige matériel et pour mériter le titre de bienfaiteur.

Cinquièmement: le média joue un rôle essentiel dans la formation de la mentalité de consommation des différentes couches de la société[4].En fait il fait partie des mécanismes maîtres pour faire la propagande de la communauté du plaisir à travers les films, les séries télévisées, et les campagnes publicitaires qui exportent les concepts de plaisir, contrôlent les rêves, les désirs et forgent les stéréotypes, et ce par la diffusion d’une certaine vision de la vie dans un cadre purement matérialiste. Les voitures somptueuses, les maisons de luxe, les restaurants cinq étoiles et autres sont par conséquent des droits, car, selon cette propagande, tout le monde est digne de ce mode de vie et le mérite. Inconsciemment, l’individu adopte le modèle matérialiste du bonheur, et entre dans un labyrinthe de consommation, dans lequel il s’efforce de satisfaire certains besoins –le plus souvent marginaux– qu’il élève au rang des priorités, et ne trouve la tranquillité que lorsque ces besoins sont satisfaits. Pourtant, peu s’en faut que ces mêmes besoins tombent en désuétude, et l’individu part à la recherche d’un nouveau besoin. Ce phénomène est désigné par l’école Francfort par le terme « le vide croissant » (growing emptiness). A son tour Georges Ritz a reformulé ce terme par « la mondialisation du rien»[5].

Sixièmement: Au sein des sociétés matérialistes de luxe, une tranche importante éprouve la rage des produits de luxe disponibles sans pour autant avoir de quoi les acheter. D’ailleurs, le système économique en vue d’introduire de plus en plus de tranches de consommateurs, met en œuvre un système d’achat permettant à ceux qui n’ont pas les moyens de se procurer des dits produits à travers un système puissant de paiement par versements, couvrant tant le prix d’une villa que celui d’une voiture, et d’autres produits encore. Dans le souci d’honorer leurs engagements, les membres de cette tranche vivent dans l’anxiété et la peur et travaillent jour et nuit pour économiser de l’argent et pouvoir payer les versements et les intérêts y afférents.

Septièmement: Les effets négatifs découlant de la recherche acharnée des différentes sociétés vers plus de luxe et de consommation diffèrent selon le degré de progrès et de développement de chaque société.

Dans les sociétés développées, la classe aisée est régie par un système et une discipline législative qui empêchent le débordement de ces conséquences sur la stabilité de la société. De même une forte économie, des secteurs agricoles, industriels et celui des services, empêche l’émergence d’un secteur d’activité parasitaire inutile à la société, il est alors en marge de ce système économique équilibrée.

Tandis que, les sociétés sous-développées, souffriront de déséquilibres structurels dans son économie, sous forme de croissance de certains secteurs de services non productifs ainsi que la commerce des biens non productifs. D’autre part, se multiplient les petites industries non vitales pour l’économie, et ne sont soumises à aucun contrôle sanitaire, ce qui a de graves effets sur la santé publique. Néanmoins, ces industries minimes attirent les capitales vu les revenus rapides qu’elles réalisent, aux dépends des secteurs agricoles et industriels productifs, dont les sociétés ont désespérément besoin.

Huitièmement: Ces problèmes engendrent des déséquilibres qui s’étendent au plan social, où on constate l’ascension des groupes parasitaires dans l’échelle sociale en raison du gain rapide effectue. Cette ascension est accompagnée par un type culturel étranger à la société, érodant la structure de ses valeurs. Et l’on assiste, simultanément, à la rétrogression de la classe moyenne qui tient la brigade du progrès économique, et qui est essentiellement responsable de préserver les valeurs culturelles de la société[6].

La taille des classes riches dans les sociétés consommatrices augmente en raison de la course effrénée de tous les membres de la société pour réaliser le rêve de la richesse rapide. Parallèlement, la couche des classes pauvres s’accroit, n’ayant pas les moyens d’augmenter leurs revenus et ne parvenant pas à rattraper la course à la consommation. L’ecart entre les deux classes s’aggrave, menaçant la stabilité de la société.

Ce mode de consommation matérialiste dans les sociétés musulmanes génère un phénomène que certains érudits appellent le terme «Islam du marché», un terme qui relie l’adoption des principes économiques islamiques et de ses valeurs de base, d’une part, et l’adoption des fondements philosophiques du marché, d’autre part. Ce phénomène entraîne, dans ces sociétés, une contradiction structurelle générant de nouvelles formes de religiosité[7]. Alors que le monde musulman tente de mettre en avant sa propre vision holistique et son identité islamique distincte, ce nouveau style islamique participe ouvertement au moment actuel de consommation.

Cela peut être observé à travers deux problématiques:

  1. l’infiltration des valeurs du marché dans les sociétés islamiques:

 Maintes sociétés musulmanes ont été piégées par la vision matérialiste consommatoire ce qui en a résulté l’infiltration discrète des valeurs du marché dans leur structure morale. On a renchérit la consommation, en tant que penchant instinctif de l’individu, aux dépens des valeurs spirituelles, et lie le bonheur à la réalisation des taux les plus élevés de gain et de bien-être sans prêter attention aux coûts négatifs de ce type de bonheur et à son conflit initial avec les concepts de justice sociale et les valeurs de modération, cette dernière constitue l’épine dorsale de la vision islamique.

La mondialisation dépend principalement de l’existence de “l’être économique” dont le seul objectif est le profit et la consommation matérielle, ce qui est à l’encontre de «l’être économique musulman», caractérisé par sa dépendance a un système éthique et a des valeurs bien établies. En fait, l’être économique musulman tout en conservant ses valeurs, entreprend ses démarches vers la richesse et la consommation, ce qui le garde engager financièrement et psychologiquement envers sa responsabilité sociale[8] responsabilité de modération, d’interdépendance et de fraternité.

Il existe d’innombrables exemples de pénétration des valeurs marchandes et de consommation de luxe dans les sociétés musulmanes, entre autres le voile de la femme musulmane, dont la philosophie a été transformée d’un uniforme reflétant l’humilité, la simplicité et la décence, en masquant largement les différences de classe entre femmes en faveur de la justice sociale a une vision consommatoire qui pousse les femmes des classes riches à chercher un voile marqué par les grands noms des maisons de la haute couture internationales -qui ont pour leur part répondu rapidement à cette demande particulière afin de bénéficier matériellement de ces vastes marchés des pays islamiques. Ce type de hijab reflète parfaitement le sens du luxe de consommation et ôte au hijab sa valeur morale, ce qui conduit à une discrimination entre les femmes sur la base du pouvoir d’achat et du niveau de richesse[9].

  2. Liquidité des concepts solides qui régissent le modèle islamique:

Le modèle islamique repose sur des concepts solides fondamentaux. les frictions et même la collision avec le modèle de consommation occidental et la montée des taux de sécularité des sociétés islamiques après l’acceptation des valeurs du marché ont clairement empêché de présenter son modèle pur fondé sur le Tawhid,  le 3omrane, et la purification. Ces concepts ont été frappés par un état de liquidité, aboutissant à des concepts souples sans noyau, redéfinis d’une manière qui ne soit pas en contradiction avec les concepts clé dans la vision occidentale, voire qui soient en accord.

Face à cette situation de liquidité, les sociétés musulmanes ont adopté, pour réaliser le développement et le progrès, une vision très différente de la vision islamique. Elles ont adopté la vision américaine du développement humain centré sur les valeurs protestantes, qui est au cœur de l’expérience de la mondialisation actuelle. Ces valeurs, qui mettent l’accent sur le succès individuel et la recherche de la richesse et du succès matériel[10], ont convaincu les communautés musulmanes, en particulier les riches, qu’ils n’existent pas de contradictions entre ces pratiques et la vision islamique globale, bien qu’il s’agisse d’une vision paradoxale aux valeurs islamiques et aux finalités de la chari’a. Paradoxe en termes de finalité: le succès individuel devient le but, et non la solidarité et la force des relations sociales. Une couche de milliardaires surgit formant un contraste avec la vision islamique de la communauté musulmane, cette vision cherche à réduire les différences entre les classes sociales, et à établir les liens de fraternité et de complémentarité dans la société.

Comme résultat nous constatons un modèle de réussite individuelle base sur une performance économique remarquable, ce qui a abouti à une dissolution des sociétés musulmanes en faveur de la modernité et de la sécularisation. Les valeurs protestantes étant centrées sur les œuvres purement terrestres considèrent le travail comme un devoir pour l’individu et la société. Selon Max Weber, pionnier de cette vision, l’éthique du travail protestant repose sur la discipline, le travail ardu et la sincérité, qui sont à la base de la félicité matérielle qui est à son tour signe de la grâce divine[11]. Cette vision souligne que la recherche de l’intérêt personnel et de la richesse sont une vertu et non un péché. Ceci a permis l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie intéressée principalement par l’accumulation des richesses.

 Ainsi naquit le modèle du religieux, économiquement efficace, qui supprime toute condamnation morale du concept de super-riches. Ce modèle engendre dans la société islamique l’esprit capitaliste, réitérant la devise appelant à mettre la nation sur le même pas d’égalité avec les autres nations.

On assiste, alors, dans les sociétés islamiques, à une montée remarquable du modèle de réussite matérielle islamique, qui défend les relations souples et confortables avec les concepts de richesse et d’argent, et cherche à créer des croyants actifs suivant l’éthique islamique et les techniques de richesse occidentales. D’où le discours préconisateur dont les marques les plus importants sont l’appel à l’ambition, à l’ascension dans l’échelle sociale, l’appréciation du succès et de l’efficacité. Ce discours fait le marketing de ces idées en utilisant l’émotion religieuse à travers la biographie du prophète que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui, et la biographie de ses compagnons. L’islam devient de la sorte, un outil dans un processus de mondialisation culturelle et économique, en mettant la référence religieuse au service des valeurs de la mondialisation[12]. La vision islamique dans ce cas ne constitue pas l’essence, mais devient un cadre ou un outil du processus de sécularisation.

2. Le Modèle islamique:

Ce modèle est bâti sur une vision rehaussant les valeurs de la doctrine musulmane vis-à-vis de cette vision matérialiste consommatoire ravageuse: Elle élabore une forme unique de la vie, loin du modèle précédent, c’est le modèle de “La Bonne Vie”[13] « Quiconque, mâle ou femelle, fait une bonne œuvre tout en étant croyant, Nous lui ferons vivre une bonne vie. Et Nous les récompenserons, certes, en fonction des meilleures de leurs actions. » (Al-Nahl, 97).

Le concept de “La Bonne Vie” est présenté comme un objectif qui mérite d’être vécu et que l’homme doit faire de son mieux pour l’atteindre. Une bonne vie est une vision complexe de la vie qui accepte et soutient le besoin humain pour tous les avantages matériels directs, mais elle ajoute à cela des dimensions spirituelles et des valeurs sans lesquelles l’homme ne pourrait vivre correctement.

En extrapolant les versets du Coran, nous trouvons deux types de vie :”la Vie Mondaine” et “la Bonne Vie”.

La définition de “la Vie Mondaine” dans tous les versets souligne des significations matérielles directes:

« Sachez que la vie présente n’est que jeu, amusement, vaine parure, course à l’orgueil entre vous et rivalité dans l’acquisition des richesses et des enfants … » (al-Hadid, 20)

« On a enjolivé aux gens l’amour des choses qu’ils désirent: femmes, enfants, trésors thésaurisés d’or et d’argent, chevaux marqués, bétail et champs, tout cela est l’objet de jouissance pour la vie présente, alors que c’est près d’Allah qu’il y a bon retour. » (Âl Imrân, 14)

Cette présentation matérielle de la vie terrestre est suivie d’une mise en garde:

« O hommes ! La promesse d’Allah est vérité. Ne laissez pas la vie présente vous tromper, et que le grand trompeur (Satan) ne vous trompe pas à propos d’Allah » (Fâtir, 5), « Et la vie présente n’est que jouissance trompeuse. » (Al-Hadid, 20)

Les attraits matériaux de la vie terrestre ne devraient pas être le seul objectif pour l’homme, parce qu’ils sont éphémères et ne lui apportent guère un bien réel ou une perfection psychologique, mais ils présentent une tentation qui trompe l’homme pour qu’il y soit attaché. De plus, les plaisirs de cette vie, si nombreux soient-ils, ne méritent pas d’être achetés avec les plaisirs de l’au-delà, si abondants et éternels ; «…Dis : la jouissance d’ici-bas est éphémère, mais la vie future est meilleure pour quiconque est pieux …» (An-Nisâ, 77)

En fait, mener une vie de luxe loin de la dimension spirituelle, être plongé dans les plaisirs et l’aisance, sont des objectifs matériaux qui pourraient entrainer l’anxiété, et l’inquiétude puisqu’il rend l’homme toujours en hâte à la recherche de gagner le plus possible, outre les sentiments de solitude, de manque de stabilité psychique et la crainte d’autrui. Un modèle de vie qui produit une communauté basée sur la concurrence, et le conflit, laissant l’âme humain déserté.

Par contre, la vision islamique présente le modèle de « la Bonne Vie », c’est la vie où l’homme jouit d’une satisfaction matérielle et d’une sécurité spirituelle: «Qu’ils adorent donc le Seigneur de cette Maison (la Ka’ba), Qui les a nourris contre la faim et rassurés de la crainte» (Quraich, 3,4), Les comportements nocifs qui pourraient nuire à la vie de l’homme seraient en forme de difficultés matérielles exprimées dans le terme «faim», ou l’embarras psychique exprimé par le terme «peur» qui est l’extrême forme de l’angoisse.

«Et Allah propose en parabole une ville: elle était en sécurité, tranquille ; sa part de nourriture lui venait de partout en abondance. Puis elle se montre ingrate aux bienfaits d’Allah. Allah lui fit alors goûter la violence de la faim et de la peur (en punition) de ce qu’ils faisaient.» (An_Nahl, 112).

Sécurité (sociale), sûreté (spirituelle), subsistance (matérielle) ; trois bases de la bonne vie, en fait la subsistance matérielle elle seule ne garantit pas l’essence de la vie; vu l’impact néfaste de la crainte, de l’instabilité et l’insécurité sur la mode de vie de l’individu.

Dans cette “Bonne Vie”, l’homme est sécurisé dans sa communauté par un réseau de relations de sympathie et de compassion apte à instaurer une société forte et solidaire loin des conflits. Il serait donc un individu à cœur paisible, jouissant d’une paix et d’équilibre internes vu la satisfaction de ses besoins essentiels et moraux. Il est enfin un homme qui jouit des bienfaits de son Seigneur sans extrêmes.

On déduit donc l’équation de la bonne vie:

Sécurité sociale + Paix Morale + Subsistance abondante = une Bonne Vie.

Comment donc réaliser cet objectif ? C’est par le fait d’associer entre la piété, la croyance en Allah d’une part et le travail ardu, d’autre part. Ce qui assure à l’homme le soulagement, la satisfaction et l’efficacité dans la société afin d’établir le bien-être matériel et la réforme dont il est responsable sur terre, tout en jouissant des faveurs divines sans renoncement ni avidité.   

“La Bonne Vie” est donc concrétisée par deux faits:

Tout d’abord le travail: C’est toute œuvre que l’homme effectue ayant pour but le bien-être matériel tout en se dévouant à l’égard du Seigneur et conformément à Sa législation. En fait, est considéré une bonne œuvre tout travail soit financier, scientifique, social, rituel ou autre dont la finalité est d’établir une société saine, solidaire et forte dans l’intention de satisfaire  Allah le plus Haut. 

Ensuite la croyance: Tout travail doit être précédé d’une croyance bien fondée ce qui est à même de cristalliser la complémentarité entre le matériel et la morale, entre l’effort déployé pour gagner sa vie et celui déployé pour l’au-delà.

«Quiconque, donc, espère rencontrer son seigneur, qu’il fasse de bonnes actions et qu’il n’associe dans son adoration aucun autre à son seigneur.» (Al-Kahf ;110) Pour récupérer, l’équation qui assure l’objectif de “la Bonne Vie” est comme suit: Croyance + Travail = la Bonne Vie.

Cette vision de la bonne vie à même d’assurer l’équilibre, entre le matériel et la morale, valorise le travail, la discipline, le dévouement, afin de réaliser un rendement non seulement d’ici-bas mais la rétribution dans l’au-delà : « Quiconque veut la puissance (qu’il la recherche auprès d’Allah) car la puissance toute entière est à Allah ; vers lui monte la bonne parole, et il élève haut la bonne action. » (Fâtir, 10)

Le concept de la bonne vie est un modèle unique de la vie de l’homme ; c’est la dichotomie de la morale et du matériel dans une relation linéaire toute proche du principe des vases communicants ; la foi encrée dans le cœur assure à l’individu une attitude modéré quant à la consommation, garantit à la société des relations de sympathie et de solidarité. Tandis que l’intérêt pour le matériel lui attribue la dimension réalistique et le conduit à accomplir sa mission sur terre. L’essence de ce concept est l’équilibre, sans l’emporter l’un des deux éléments sur l’autre: point de renonce à la vie pour se consacrer à la spiritualité, nulle avidité, ni caprice, ni accaparement des richesses et des biens en vue de garantir une vie distinguée.

La modération et la complémentarité entre morale et matériel sont, donc, les mots clés de “la Bonne Vie”.

Traduction:

Amira Mokhtar**

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مراجع للإستزادة

  • روجيه جارودي (1985). وعود الإسلام. ترجمة د. ذوقان قرقوط. بيروت، القاهرة: دار الرقي: مكتبة مدبولي. ترجم عن الكتاب باللغة الفرنسية بعنوان: Promesses de l’Islam.
  • روبرت إسحاق (2005). مخاطر العولمة: كيف يصبح الأثرياء أكثر ثراء، والفقراء أكثر فقرا. ترجمة سعيد الحسنية. بيروت: الدار العربية للعلوم.
  • شمسي العجيلي& باتريك هايدن (2016). النظريات النقدية للعولمة. ترجمة غالب الناهي. ط. 1. بيروت: المنظمة العربية للترجمة.
  • محمد العودي (2012). فقراء زمن العولمة. ط. 1. القاهرة: رؤية للنشر والتوزيع. جلال أمين، العولمة. دار الشروق، الطبعة الثانية، 2010.
  • نعومي كلاين (2009). عقيدة الصدمة: صعود رأسمالية الكوارث. ترجمة نادين خوري. بيروت: شركة المطبوعات للنشر والتوزيع.
  • Naomi Klein (2007). The Shock Doctrine. The Rise of Disaster Capitalism. 2007
  • Michael Sandel, Things that money cannot buy. Lecture

الهوامش:

* Directeur du Centre de documentation et d’études Khotwa, et secrétaire éditorial du magazine musulman contemporain.

** Chercheur et traducteur égyptien.

[1] على سبيل المثال الدفع إلى تمرير تشريعات خاصة بالمرأة والطفل تتعارض كلية مع تشريعات العديد من الدول حول العالم، من خلال مؤتمرات وتوصيات ومتابعات تتم تحت إشراف منظمة الأمم المتحدة.

[2] عبد الوهاب المسيري (2002). مصدر سابق. ص. 140.

[3] جي ديبور (1994). مجتمع الفرجة: الإنسان المعاصر في مجتمع الاستعراض. القاهرة: دار شرقيات للنشر والتوزيع.

[4] عبد الوهاب المسيري (2002). مج. 2. مصدر سابق. ص. 133.

[5] شمسي العجيلي & باتريك هايدن (2016). مصدر سابق. ص. 308.

[6] فالطبقة المتوسطة- كما عرفها ماكس فيبر- هي تلك الطبقة التي تحتل وسط الهرم الاجتماعي وتعتبر صمام الأمان لأي مجتمع بشري، وكلما زاد حجم هذه الطبقة أدى ذلك إلى درجة أكبر من الاعتدال والأمان الاجتماعي.

[7] باتريك هايني (2015). إسلام السوق. ترجمة عومرية سلطاني؛ تصدير هبة رءوف عزت. ط. 1. القاهرة: مدارات للأبحاث والنشر. ص. 26.

[8] وائل حلاق (2014). مصدر سابق. ص. 283.

[9] هبة رءوف عزت، من طبائع الاستبداد إلى طبائع الاستهلاك، تصدير كتاب إسلام السوق لباتريك هايني. ص. 14. دار مدارات للأبحاث والنشر. يناير 2015.

[10] باتريك هايني، إسلام السوق، مرجع سابق، مقدمة المرجع بقلم د. هبة رؤوف.

[11] Max Weber (2002). The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism. Penguin Books.

[12] باتريك هايني (2015). مصدر سابق. ص. 202.

[13] يوسف القرضاوي (2008). دور القيم والأخلاق في الاقتصاد الإسلامي. ط. 3. القاهرة: مكتبة وهبة. ص. 65.

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