Lire dans le Parcours d’une Creation: A Partir de la Sourate 96 du Coran

Lire dans le Parcours d’une Creation

A Partir de la Sourate 96 du Coran*.

Par: Prof. Heba Machhour**

Et la terre a resplendi de la lumière de son seigneur et

                                                                   le livre a    été déposé..

                                                                   Le Coran [39(69)].

Or s’il y a, au jour d’aujourd’hui, une autre                                                                                   

 question de la religion», une donne»                                                                                  

actuelle et nouvelle, une réapparition inouïe                                                                                  

de cette chose sans âge, et mondiale ou                                                                                  

planétaire, il y va de la langue, certes –                                                                                 

plus précisément de l’idiome, de la                                                                                 

littéralité, de   l’écriture, qui forment                                                                                 

l’élément de toute révélation et de toute                                                                                 

instancecroyance, un élément en dernière                                                                                 

                                                                                          irréductible et intraduisible- (…).

                                                                                                            DERRIDA: Foi et savoir.

      La voix de la révélation est la Voix qui se fait entendre dans le parcours du monothéïsme. C’est la Voix qui rompt le silence après la « rupture des Tables » [Derrida-1967-p.103]. Dieu parlera seulement à un seul prophète, directement, Moïse(1). Il lui donnera Sa parole, sans intermédiaire. Il l’interpellera, le conjurera, et lui donnera les Tables dans lesquelles seront inscrites les paroles de Dieu d’une inscription unique et priviligiée. Mais Moïse, trahi dans la foi par son peuple, envahi par la colère, jettera ces Tables. Et c’est alors qu’aura lieu le Silence. Ce silence sera rompu de façon majeure deux fois : par le don d’une Parole, Jésus soutenu par l’Esprit Saint, l’ange Gabriel [3(45) :   “Quand les anges ont dit : Marie, Dieu t’annonce une parole de Lui appelée le Messieh Jésus fils de Marie, respectable dans le monde et dans l’au-delà et il est parmi les rapprochés (de Dieu) “]  et par le don du Coran, dicté au prophète Mohamed par l’ange Gabriel.

      Ce récit schématique est le récit du déploiement de la Voix divine dans le silence humain. Voix qui donne sens à la vie et qui mène l’homme vers l’essence de son étant humain. Il est aussi le récit du trajet monothéïste qui se deploiera avec Ibrahim à travers trois étapes majeures, à savoir le judaïsme, le christianisme et l’islam. Le noyau de ce trajet est sûrement la Parole, donnée, répétée, reformulée et répercutée dans l’espace-temps humain. L’homme-sujet (2) reçoit cette Parole de diverses façons et l’assimilera à travers plusieurs modules: religions plurielles, conflits, refus, rejet, adhésion. C’est toute l’histoire de l’homme dans son rapport avec le religieux dans sa vie, concept et instinct inhérents et inséparables de la constitution humaine. Le « religieux » sera alors vécu différemment, conflictuellement et/ou pacifiquement. Mais il demeure un trait inéluctable et essentiel de l’humain.

      L’essence de la religion islamique est la présence, concomitante et continue, du miraculeux dans la vie courante de tous les jours. Le texte du Coran est un texte dicté, énoncé -au sens de produit par un sujet de l’énonciation-  par Dieu, reproduit par la voix du prophète et inscrit, enregistré  par des mains humaines. Texte au statut unique, même envisagé d’un point de vue extérieur à la foi ou à toute croyance religieuse. Car le programme    énonciatif de ce texte implique et ordonne une lecture dans laquelle le lecteur doit prendre en considération que la donne initiale, originale est celle-ci : Dieu a donné ce texte, dans ses paroles, sa lecture, ses moindres signes, sa structure et bien sûr son sens. Miracle originel, unique et final dans l’élaboration du monothéïsme, le Texte est le monde du musulman, mais aussi de tous les hommes [18(54) : »Et Nous avons déployé en ce Coran pour les gens de tous les exemples et l’homme est le plus contestable/ contestataire de (en) toute chose. »] même si ceux-ci ne le reconnaissent pas ou n’y croient pas. Et, si notre lecture part d’une foi et d’une coyance, nous tenons à préciser qu’à chaque pas nous essayons de nous en tenir le plus exactement à la lettre, au signe dans sa présence objective au sein du texte. Nous partons de la foi mais nous ne tenons pas à la prouver ou à l’illustrer, moins encore à y appeler. Car, exceptionnellement -et ceci est d’une autre portée tout à fait différente-, la foi est ce qui est ou n’est pas. Aussi simplement et catégoriquement.

     La dictée du Coran a lieu par un appel au prophète Mohamed. L’appel est lancé par l’ange Gabriel, intermédiaire et voix (non sujet producteur) d’une énonciation spécifiée comme étant l’inspiration <el wahi>. Le premier mot de cet appel -mot qui sera inclus, assimilé dans le texte dicté- sera l’impératif  « LIS », inscrit dans le texte et inscrit dans une temporalité essentielle à la religion islamique. Comme le souligne Derrida :  « A la différence d’autres expériences de la « foi », du « saint », de l’  »indemne » et du « sauf », du « sacré » et du « divin », à la différence d’autres structures qu’on serait tenté d’appeler par analogie douteuse « religions », les révélations  testamentaires et coranique sont inséparables d’une historicité de la révélation même. » [2000-pp.18, 19].

* 1.a. PRECISION DE LIEU

     La sourate 96 du C oran est justement le début de la dictée et de l’énonciation du texte coranique. Début invaginé plus tard dans le corps même du texte, cette sourate est le commencement de la révélation mais non pas celui du texte final. L’ordre et la structure du texte sont en relation avec un sens dépassant celui de la révélation, de la dictée, de toute la mission du prophète Mohamed. Le texte est ainsi posé dans un espace/temps différent, autre par rapport à l’historicité de son apparition dans le monde humain. Car le temps de la dictée/énonciation n’est pas celui de la composition du Coran. Le texte est dicté selon un certain ordre (dans l’espace/temps de la vie du prophète) puis seront dictés toujours une organisation, une mise en place et un ajustement de chaque sourate et de chaque verset. L’ordre du texte est ainsi totalement différent de l’ordre de sa production par la voix dictante. Cette superposition d’un ordre à un autre et cet ajustement d’une Réalité aux dépens d’une autre instaurent un Texte, unique il est vrai, mais ayant une structure, un sens, et une portée faisant  Sens. Le geste du don pour ce texte est par là, de même, sens en soi.

     Qui dit dictée, dit production à partir d’un autre texte. Et qui dit « Lis » implique un texte lu par un sujet lisant. Donner à lire ici signifie la présence d’un texte initial et  d’une vision supérieure lisant dans un texte invisible -aux yeux du prophète analphabète mais autrement inaccessible aussi. Cette voix qui dicte pour donner à lire est intermédiaire mais elle est, du même coup, puissante de par la puissance même que lui donne son rôle, son lieu et sa présence  essentielle pour la production d’un tel texte. D’où la nécessité du mode impératif, seul mode qui exclut le rapport personnel, l’échange, le retour de la parole. Désormais la parole est produite dans un sens unique, quitte à la répercuter, à la faire proliférer- ou à lui répondre mais sous des modes différents, autres que le dialogue entre un je/tu. Sens irréversible, ce n’est plus l’échange de l’interrogation ou du dialogue comme auparavant, aux premiers temps de la Révélation avec Ibrahim [2(260) : « Et quand Ibrahim a dit : mon seigneur montre-moi comment Vous ressuscitez les morts ; Il a dit : n’as-tu pas la foi? Si, mais pour que mon coeur soit tranquille; Il a dit: prends donc quatre oiseaux, puis coupe-les en ta direction, ensuite fais qu’une partie de chacun soit sur une montagne; ensuite appelle-les, ils te viendront en vitesse ; et sache que Dieu est puissant et sage.»] ou avec Moïse [cf.7(143) : « Fais-moi voir que je Te regarde » puis « tu ne Me verrais pas, mais… »] ou avec Jésus [5(116) : « Et quand Dieu a dit : Jésus fils de Marie, est-ce toi qui a dit aux gens : prenez-moi ainsi que ma mère en tant que divinités indépendamment de Dieu ? il a dit : gloire à Vous, je n’ai pas à dire ce qui ne m’est pas la vérité ; si je l’ai dit Vous le savez ; Vous savez ce qui est en moi et je ne sais pas ce qui est en Vous ; Vous le grand connaisseur de tous les inconnus. »].

     L’injonction à la lecture est alors pour le prophète Mohamed un don pour une prise sans retour, sans réponse, du texte coranique. Prends pour transmettre, prends pour re-donner. C’est une lecture unique, originelle si l’on peut ainsi la qualifier. Car c’est une lecture qui dépasse la lettre pour ce prophète analphabète. Mohamed ne savait ni lire ni écrire dans et à partir des livres déjà présents en son temps. Fait historique reconnu et fait inscrit dans le texte qu’il transmet [29(48) : « Et tu ne récitais pas avant cela (ce Coran) de livre et tu n’en inscrivais point avec ta main droite ; sinon ceux qui nient la vérité auraient eu des doutes »]. Ce pourrait être aussi une des raisons de la dictée. Mais en fait l’analphabétisme n’est ici qu’un élément secondaire pour le non-accès direct au Texte d’origine qui, de loin et par bien d’aspects, dépasse son (ses) récepteurs(s).

     La lecture [lis] dans cette sourate première est la lecture religieuse par excellence. Lecture en référence à un énonciateur suprême, mais surtout lecture comme adhérence au texte lu. Texte donné et acquis d’autant plus qu’il dépasse son lecteur, le transgresse continuellement, à l’infini de la lecture. Le Sujet de l’énonciation le donne sans lâcher prise, le façonne sans y laisser aucune liberté pour le lecteur, mais le donne pour libérer dans l’itération de la prise, à chaque lecteur, à chaque croyant et aussi à chaque auditeur. Ce texte doit aussi être récité. La voix qui l’a dicté génère de par sa profération  une prolifération incommensurable. Jusqu’à la fin des temps puisque ce texte sera « gardé » jusqu’au (par le ) dernier croyant et aussi par une force intrinsèque qui est en son essence, en sa présence même [15(9): « En fait c’est Nous qui avons fait descendre la relation (au sens de narration et de témoignage gardé  en mémoire) et c’est Nous qui en sommes les gardiens »]. Cette garde est aussi en rapport avec l’origine de ce Coran, sa référence première, à savoir le Texte premier, présent chez Dieu, dans une « Table conservée » [85(21) : « Mais c’est un Coran glorieux (22)Dans une Table conservée »]. Dieu-énonciateur est ainsi par le don, par le texte et par la lecture, transcendant et immanent, présent et donnant par l’absence. Position et rôle uniques.

*1.b. LIS, DOUBLEMENT.

     Guidé, dirigé et obligé  vers et par la lecture, le lecteur-prophète doit lire oralement. Il le doit, en premier lieu, étant analphabète, et ensuite comme étant lecteur premier d’un « texte » non-vu, texte en relation avec l ’” invisible  absolu “, pour remémorer, garder et transmettre. Ce texte essentiel afflue vers l’essence humaine par le son, l’oralité de la voix. Il demeurera, se maintiendra dans l’histoire et l’espace humains, par l’inscription absolue dans le visible abstrait [87(6) : « Nous te ferons lire, n’oublie donc pas»] : par l’activité et le pouvoir de la mémoire. C’est à partir de ce don que naîtra la responsabilité du lecteur-prophète d’abord mais de tout lecteur potentiel par la suite. Et le texte deviendra le lieu de la garde, de la mémorisation et de la demeure. Cette « invisibilité absolue »Derrida la cernera astucieusement et autre part en disant :

     « L’absolu de l’invisibilité, ce serait plutôt ce qui n’est pas de structure visible, la voix, par exemple, ce qui se dit ou veut dire, et le son. […] Dieu me voit, il voit dans le secret en moi, mais je ne le vois pas, je ne le vois pas me voir.[…] Comme je ne le vois pas me voir, je peux ou je dois seulement l’entendre. Mais le plus souvent on doit me le donner à entendre, je m’entends dire ce qu’il me dit par la voix d’un autre, d’un autre autre, un messager, un ange, un prophète, un messie ou un facteur, un porteur de nouvelles […]. Dieu me regarde et je ne le vois pas, et c’est depuis ce regard qui me regarde que ma responsabilité s’initie. » [1992-pp.85 à 87].

Et c’est à partir de ce texte invisible, dicté, énoncé, repris que la responsabilité est endossée, portée par chacun.

     « LIS » est le premier mot de cette sourate et le premier mot de la révélation  du texte coranique. En écho, deux versets plus loin, ce même impératif est répété. Deux ordres de lecture, identiques grammaticalement et phonétiquement, mais à portée assez différente : « Lis au nom de ton seigneur » et « Lis et ton seigneur est le plus généreux ».

     Lire au nom de, c’est invoquer, présentifier mais c’est aussi remémorer et nommer le responsable du texte lu. Lire, et plus tard écrire, et plus loin  réciter, relire et réitérer le Texte au nom de Dieu. Par ce renvoi incessant et inhérent au texte du Nom, Dieu répond de ce texte, et par lui. Responsabilité  absolue et unique, présence au-delà (ou inhérente à ?) de l’absence, le Nom, par le Texte et en lui, établit l’immense différence avec tout autre texte profane dans lequel l’auteur, malgré sa maîtrise et son pouvoir « unique », est absent dès l’achèvement du texte. Si Jabès dans son Livre des questions souligne que « Écrire, c’est avoir la passion de l’origine », c’est justement de par l’absence de tout scripteur à son texte. Absence et détachement de l’écrit dès la consommation du don de l’écriture, et retour, répétition d’une recherche de soi et de l’origine. Absence par l’achèvement du geste scripteur alors que par le texte du Coran, Dieu se laisse dire, se fait être par le Nom, par le son et par le sens. Mais Il se fait être surtout par l’adhérence au Nom lors de chaque lecture. Par la foi.

     Les Tables données à Moïse pour être lues ont été brisées dans un moment de courroux. L’homme perd ainsi une chance liée à la vision. Cette chance lui est re-offerte mais par la voix, car ce texte lu, le Coran, demeure dans la Voix. Il est donné par elle et il perdure en elle. « Lis » ici est un ordre de vision d’après nos critères courants : lis dans un livre. Et d’ailleurs c’est désormais  un texte écrit, gardé par l’écriture, mais simultanément c’est un texte qui ne prend toutes ses dimensions que dans l’oralité, la reproduction vocale <el tartil>. Ce terme arabe en relation étroite avec le Coran signifie organiser, arranger harmonieusement et avec précaution, terme après terme,  élément après élément, par la voix et en elle. « Lis » doit être pris ici comme il est donné : l’ange Gabriel, parlant sans être vu, voix impérieuse générant la voix du prophète, répercutant le texte depuis lors par la voix. Lis après moi, selon moi. Cette voix de l’impératif est en fait de source. Elle produit une parole de source, la Parole à sa source pour un texte final et ressourçant. Texte d’origine et de clôture. Ainsi peut-être, ” la voix peut donc, semble-t-il, accomplir ce retour circulaire de l’origine à elle-même. Elle franchit, dans le cercle, cet interdit qui faisait l’oeil aveugle à l’oeil. Le vrai cercle, le cercle de la vérité, serait donc toujours un effet de la parole.” [Derrida-1972-p.341]

     « Lis au nom de ton seigneur »: le possessif ici a été souligné par les éxégètes arabes. Ainsi El Razi souligne l’appartenance du sujet à son seigneur, mais souligne aussi que la racine <rab> (seigneur) signifie: entourer de soins, soigner pour faire mûrir, faire croître [p.14]. Le rapport ici est donc de domination mais attentive, soigneuse, de tendresse. De même, RAB est un nom de Dieu, non pas nom d’étant mais ce que El Razi nomme nom d’action, d’activité divine. Ainsi « Allah » ou Dieu est nom absolu d’étant, tandis que « rab » est nom d’une action positive envers l’homme, action d’enrichissement et de développement. L’impératif ici ne somme pas à lire au nom d’Allah (Dieu) comme c’est recommandé pour chaque lecture du Coran. Mais le lien avec le Nom en ce seuil est un lien d’appartenance, d’amour, de reconnaissance. Lieu de foi : relation personnelle, possessive, intime et reconnaissante. L’appartenance ici souligne la nécessité du Nom et de son effet, et l’intimité du Nom avec l’effet. Dans ce <rabika>, nous lisons -et le prophète y entend- une proximité non pas seulement absolue mais nécessaire, de la nécessité de l’être à son étant créateur. D’ailleurs dans le texte du Coran, nous lisons très souvent ce possessif et son pendant, à savoir « mon sujet » ou « mes sujets »: <abdi> ou <ebadi>. Ces deux possessifs     établissent la relation infinie entre le seigneur et son sujet, dans un circuit de réciprocité. L’un appartenant à l’autre, (se) demandant l’autre à soi.

     La première lecture doit donc se faire au Nom de « ton seigneur », mais surtout de ton seigneur créateur. L’absolu de la création est souligné ici dans ces versets liminaires. Création non pas de toi, sujet, ou même du texte, ou de la création, des terres et des cieux, mais: par Celui qui a créé. Don absolu, sans référence et assimilant du même geste, le plus large, toute référence, toute production et à toutes les dimensions. Avant de préciser dans le verset suivant « Il a créé l’homme », Il installe la création en soi, comme geste premier du don du faire-être absolu. Car créer c’est donner à   être, pour toute création quelle qu’elle soit. Donner à être à partir d’un non-être. Non pas à partir d’une absence, car l’absence implique une présence absente, retirée. Alors que faire-être c’est donner sans éléments pré-sents, donner d’un don absolu à partir de soi uniquement et du pouvoir de soi. Croire à ce don, y adhérer, c’est déjà la foi.

1.c. LIS POUR ÊTRE.

     Viendra ensuite, dans un moment conséquent au moment de la création initiale, la création de l’homme. Cette création ici annoncée est en fait un moment de lecture ambiguë. Car le texte coranique dit que la création de l’homme a lieu à partir d’un <‘alak>. Ce terme est présent uniquement dans ce verset. Il est proche -mais non identique- du terme <‘alaka>, substantif féminin signifiant « adhérence », premier moment dans la génération de l’être, le foetus. Ce terme est présent dans les versets relatant la génération de l’homme à partir d’un microcosme minuscule, adhérant à l’utérus pour se développer ensuite en être vivant. La ressemblance des deux termes à un phonème près tend à les identifier dans certaines éxégèses. Mais, unanimement, il y a un doute en suspense ne donnant pas à ce terme un sens définitif. Une tendance linguistique différente penche à expliquer ce terme, origine de l’homme créé, par un anagramme avec le terme arabe <‘akl>, signifiant la raison. Le terme <‘alak> serait alors une reconstitution phonétique de <‘akl> ou une proximité phonétique de <‘alak> ? Ou bien la construction d’un mot mixte, origine ambiguë de l’homme ? Suspense de la création  de l’homme entre le microcosme infini et insignifiant, et la raison, source réelle, insondable et démesurée, de l’homme- véridicité et unicité de son étant (3).

     « LIS » en second lieu est l’ordre de lecture associé, coordonné avec « Ton seigneur le plus généreux ». Bien sûr l’absolu de la générosité ici est l’écho de l’absolu de la création. Mais il est aussi, du même coup, un passage vers  Celui « qui a enseigné par le calame (la plume) ». Enseigner dans ce verset est exprimé par le verbe arabe <‘allam>, au sens très précis de donner la science, apprendre, donner le savoir, toujours dans un sens absolu, sans complément. Savoir et science sans précision de leur objet mais en précisant l’outil : le calame, la plume, l’outil de l’écriture et de l’enregistrement. Ce même  terme survient dans un autre verset du Coran en relation directe avec l’écriture, l’alignement sur le papier, dans un serment fait par Dieu : « Noun, par le calame et par ce qu’ils alignent (écrivent sur des lignes)» [52(1)]. Cet infini de la science et cette précision de l’outil conjuguent un aspect bien particulier, essentiel, de la générosité de Dieu.

     Si Dieu par son don de la création appelle la foi, par sa générosité absolue il indique la priorité de la science et du savoir. L’une ne va pas sans l’autre et les deux -foi et savoir- sont essentiels à l’homme et à son étant. Créer précède apprendre dans leur être absolu. Car dans un autre verset [78(1 à 4) : «1) Le Miséricordieux  2) a enseigné le Coran 3) a créé l’homme 4) lui a enseigné le discours ], enseigner le Coran précède la création de l’homme. Ainsi, créés, le Coran a la priorité sur l’homme mais dans l’absolu, la création est première car elle comprend bien sûr la création du Livre, de l’homme, de tout. S’installe ainsi une dynamique génératrice entre foi et savoir, création et science, nom de Dieu répondant du Texte et plume gardant ce Texte au-delà de la voix.

     Ainsi, le « plus généreux » ou plutôt le Généreux absolu est Celui qui associe la création, et en particulier la création de l’homme, au savoir absolu, et en particulier le savoir par la plume. Ce texte donné par la voix, cette injonction orale adressée au prophète dans sa solitude pour la répercuter dans la multitude, allie ici dans un rapport de rejet constant la voix à l’écriture, l’oral à la plume qui va mener vers la science, la symbolisant, mais qui fixe aussi cet invisible aérien entendu, perçu. A l’origine du Texte et de la Révélation se trouvent donc superposés mais intimement liés deux axes fondamentaux et essentiels : la foi/le savoir et l’oral/l’écrit. Donnés du même geste, du même coup, à partir du silence et du non-être précédant le Texte. Et nous nous étonnons -simplement- de nous retrouver en questionnement, avec déjà une réponse peut-être, de Derrida :

       « Peut-être pourrions-nous essayer de « comprendre » en quoi le développement imperturbable et interminable de la raison critique et technoscientifique, loin de s’opposer à la religion, la porte, la supporte et la suppose. »[2000-p.46]

     Et de là, nous le lisons et nous le rejoignons autrement mais malgré tout avec lui:

     « Il faudrait démontrer, ce qui ne sera pas simple, que la religion et la raison ont la même source. […] Religion et raison se développent ensemble, à partir de cette ressource commune: le gage testimonial de tout performatif, qui engage à répondre aussi bien devant l’autre que de la performativité performante de la technoscience. La même source unique se divise machinalement, automatiquement et s’oppose réactivement à elle-même: d’où les deux sources en une. » [id.]

     La répétition du « LIS » sur une double portée est ainsi en fait une itération dans la différence en vue d’une édification. Édification de la religion bien sûr, mais surtout mise en place du message, de la Parole essentielle, de base, constitutive absolument, et de l’humain en particulier. Et par là, « point de foi, donc, ni d’avenir sans ce qu’une itérabilité suppose de technique, de machinique et d’automatique. En ce sens, la technique est la possibilité, on peut aussi dire la chance, de la foi. » [id.-p.72]. Chance et danger du même coup, comme il le développe plus loin, selon l’équilibre et la mise en place de l’une vis-à-vis de l’autre et non aux dépens l’une de l’autre. Car c’est une « liberté  risquée » qui est donnée à l’homme par ce double et unique don : foi et savoir. Risque développé plus loin d’ailleurs, dans le sixième verset de la sourate 96 lorsque l’homme -non pas n’importe lequel- abuse : cet « homme »  profite à l’excès de ses biens et tombe dans le déséquilibre se croyant le plus fort -absolument et impunément.

     Dans le sixième verset de la sourate 96, il y a un « Non», répété dans les versets 15 et 19. Ces trois « non » grammaticalement identiques, en début de verset, sont sémantiquement assez différents. Ils amorcent, à chacune de leur apparition, une étape dialectique différente dans la dynamique de la réception et de la prise. Les cinq premiers versets (premiers versets au niveau de la Révélation et de cette sourate) sont suivis de 14 versets qui constituent la suite de la sourate et qui sont dictés beaucoup plus tard dans l’historicité de la Révélation. Ces deux strates- du point de vue temporel- de la sourate, forment un tout composé d’ajout et d’ajustement pour faire sens. En fait, ces versets « décalés » et ajoutés constituent les moments de prise du don de la foi et du savoir. Cette prise est segmentée en trois temps ponctués par les trois « non » (versets 6/15/19).

     Le facteur commun à ces trois termes de négation est qu’ils sont énoncés par Dieu-locuteur. Le premier « Non » est celui allant contre la transgression de l’homme. C’est le refus de  l’attitude de l’homme pratiquant une fausse réception, abusant des pouvoirs donnés par Dieu, croyant pouvoir se suffire, pratiquant une vision égocentrique et oubliant que le cercle ne se ferme pas sur lui, mais sur un retour vers Dieu (verset 8). « Non » ici est donc de détournement de cette attitude. Puis s’ensuit un exemplum, une illustration de ce comportement transgressif et par là agressif. L’illustration, là, ne nomme personne malgré que dans les livres d’éxégèse un personnage bien  défini, Abou Gahl, est ce personnage d’une grande agressivité envers le prophète, reniant la religion, et menaçant de l’attaquer pendant la prière. Le nom du personnage ici est absent, tout comme celui du prophète: « celui qui » et « un sujet quand il prie ». Car ce n’est pas une historicité de faits et de noms qui est recherchée,  mais plutôt l’enregistrement d’une historicité particulière: à savoir les modules de réception ou de refus, les attitudes d’adhésion ou de transgression. C’est une ponctualité phénoménologique qui est visée et non une histoire de personnages ou de tribus. Ponctualité  dépassant ainsi temps et espace d’une religion ou d’un prophète en particulier en vue d’une universalisation de concepts et de faits.

     Par là, le second « Non » est un “non” de menace et de refus de cette attitude. Car, s’il persiste dans son comportement transgressif, ce personnage, quel qu’il soit, où et quand il serait, sera saisi. Saisi et puni bien sûr, mais saisi pour sa position effrontée. C’est d’ailleurs le terme utilisé: il sera saisi « par le front » d’avoir tenu front à Dieu (et non au prophète, car en réalité ce n’est pas lui qui est concerné dans cette transgression, cet abus de pouvoir), d’avoir affronté Dieu en se comportant en égal avec Lui. Cette attitude de mensonge et de rupture est fautive car elle repose en fait sur un malentendu: d’avoir reçu le don du pouvoir -de la science et du pouvoir sur le monde-,  l’homme peut s’imaginer maître au-delà du Maître, oubliant le possesif qui le lie -inextricablement- à la source, à son seigneur. Mais c’est surtout d’avoir oublié l’absolu de la création par le Créateur, possédant et donnant, qu’il sera puni.

     Le troisième « Non » est pour le retour par la dénégation, négation de l’attitude négative. Dénégation en vue d’un triple ordre : <Non ne Lui obéis pas, agenouille-toi, rapproche-toi>. Après l’écart, l’abus, s’agenouiller et prier est l’extrême proximité, la présence au juste endroit près de Dieu, dans Sa portée. L’impératif du verbe « s’agenouiller » répond, par un autre -et juste- retour à l’impératif de l’incipit: Lis. S’agenouiller dans la référence islamique est la forme la plus pure de la prière, proximité du corps qui se plie (lie) en accord avec l’âme vers Dieu et en Lui. Par la soumission, mais aussi par la Reconnaissance -à tous les sens de ce mot- dans un détachement et un isolement par rapport à l’entourage.  Le lieu de prière en islam est d’ailleurs appelé <masjed> (mosquée) du verbe arabe <sajada>, lieu d’agenouillement. Ainsi dans le dixième verset, le verbe « prier » est mentionné, non pas comme cet agenouillement, mais comme l’acte d’exécution d’un des cinq piliers de la pratique religieuse. S’agenouiller, lui, est autre, au plus proche de Dieu, supérieur à la prière. C’est le moment/lieu du Retour dans la foi, à Dieu et non à soi. Et comme le souligne Jean-Luc Nancy: « Ce que l’homme s’est approprié et dont il est débiteur vis-à-vis de Dieu, c’est ce soi qu’il a retourné sur lui-même. Cela doit être remis à Dieu et non à soi.» [p.517].

     Dans le trajet de cette sourate nous avons parallèles et tressées, trois dimensions de l’absolu, à des niveaux différents: de Dieu {(versets 1-2) a créé, (v.3) le plus généreux, (v.4) a enseigné, (v.8) le retour, (v.14) voit }, de l’homme dans sa vérité positive {(v.1) Lis, (v.3) Lis, (v.5) ce qu’il ne sait pas, (v.19) s’agenouiller, (v.19) se rapprocher} et de l’homme abusant et transgressant, donc dans sa vérité négative { (v.6) transgresse, (v.7) se suffire, (v.9) interdire,(v.13) mentir, (v.13) se détourner}(4). Dans l’intersection de ces trois axes « extrêmes » -et parfaitement égaux du point de vue structural-  se croisent la volonté et le pouvoir de Dieu avec les comportements et les volontés des humains, leur réception du Don, sous tous les aspects possibles.

     C’est ainsi qu’à partir de la lecture, prescrite, dictée et effectuée -puisque le texte la répète jusqu’à nous maintenant-, que surgira l’étant de l’homme dans sa pluralité, son adhésion et son refus, sa reconnaissance et ses abus. Mais la boucle est refermée -dans l’ouverture- par le rapprochement en dernier verset vers Dieu, Source, Origine et lieu de Retour.

*  2. LIRE EN EXTENSION.

     Mais le verbe « lire » n’est pas employé uniquement dans cette sourate. Son emploi s’étend à d’autres lieux du texte coranique. La lecture de ces lieux nous semble être l’indice d’un trajet important de cette activité génératrice et importante qu’est la lecture dans la pratique religieuse islamique. Trajet qui a une structure propre assez particulière mais surtout trajet qui nous permet de mieux cerner le sujet et l’objet de la lecture dans le Coran. Car lire n’est intransitif, absolu, comme nous venons de le souligner, que dans l’impératif liminaire de la Révélation, adressé au prophète [sourate 96]. Autrement, « lire » a toujours un objet, une forme grammaticale (passif ou actif, singulier ou pluriel, etc.), et un sujet. Nous suivrons alors pas à pas, au plus proche des mots, cette extension du verbe « lire » dans le texte.

     De prime abord, il faut souligner que la lecture ne se trouve dans le texte coranique que sous sa forme verbale. Ainsi il n’y a ni lecteur ni texte lu. Sauf bien sûr le terme <kor’an>, substantif dérivé du verbe <kara’>, livre de lecture, livre lu. De nommer ainsi ce texte de base de l’Islam, le Coran, c’est lui donner déjà des marques, des traits et des aspects de cette religion pratiquée  dans la lecture, le déchiffrage, la réflexion, l’itération, la répétition, la recherche, la découverte, l’ajustement,… . Bref, tous les sèmes en relation avec la lecture dès son oralité, sa naissance, jusqu’à son écriture, son ancrage et sa garde. Le Coran s’avère être pour tout musulman, ayant la foi, une demeure où il se retrouve, au sens le plus large de ce mot (retrouver son moi, mais retrouver aussi ce qu’il cherche, ce qui le travaille, ce qu’il peut perdre en cours de route pour un moment, ce qu’il n’a jamais su et qu’il retrouve là, etc.).

  1. Nous commençons par relever dans le texte du Coran toutes les récurrences du verbe « lire » <kara’>. La première fois où « lire » apparaît c’est dans la septième sourate, verset 204: « Et si (quand) le Coran est lu,    écoutez-le donc et appliquez-vous à l’entendre peut-être seriez-vous absous ». En premier lieu s’installent donc l’objet principal de la lecture (le Coran), les récepteurs et le mode de réception. Ce texte, même s’il est        poétique et harmonieux, n’est pas une musique, une pure organisation de sons, une harmonie, une parole énigmatique écoutée de façon sacrée, sans compréhension et sans bonne réception. Mais il y a une insistance sur         « écoutez » et « écoutez attentivement » afin d’atteindre la miséricorde, le pardon absolu. Ecouter est en relation intime, ici, avec comprendre, bien recevoir. La forme grammaticale en valeur ici est le passif, car le lecteur, lui, est récepteur, laissant la première place à l’acte même -et la qualité de cet acte- de lecture et d’écoute. Et place aussi à Celui qui pardonne, absout. Celui dont la présence est mise en valeur dans le verset suivant (205): <Et   évoque ton seigneur en toi pieusement, en secret, sans déclarer à haute voix à toutes les heures du jour…>. Récepteur absolu et final de toute lecture.
  2. La seconde mention du verbe « lire » a lieu dans la sourate 10, verset 94: <Si tu (Mohamed) doutes de ce que Nous t’avons apporté questionne donc ceux qui lisent le livre avant toi; tu as reçu la vérité de ton seigneur, ne soit donc pas des hésitants.>. Ici c’est la lecture de ceux qui détiennent  déjà un livre, à savoir les juifs. Nous noterons en passant un fait capital dans le texte coranique, à savoir la présence massive des livres religieux premiers, la Torah et l’Evangile. Et, c’est surtout dans le livre des juifs que se trouve l’indication de la venue de Mohamed [7(157): <Ceux qui suivent le messager prophète analphabète qu’ils trouvent inscrit chez eux dans la Torah et l’Evangile…>. Ainsi ce texte, le Coran, inscrit et garde ceux qui le précèdent étant tous de source unique.

     La lecture dans ce verset est lecture dans d’autres livres divins pour confirmer, surmonter le doute. Lecture de référence à l’autre/le même. Croire pour le musulman est un tout indissociable, embrassant tous les messages monothéïstes dans leur vérité et les confirmant.

  1. La troisième mention du verbe « lire » est dans la sourate 16,verset 98: <Quand tu lis donc le Coran invoque Dieu contre satan le lapidé>. Lecture du Coran encore une fois, et conditions du pacte de lecture: comment lire? Comment pratiquer l’amorce de la lecture? Contre et envers qui? Conditions réparties ainsi dans la première et la troisième mentions. Le lecteur, là, est un « tu » virtuel, n’importe qui ayant accès au texte, cherchant lecture mais aussi cherchant à bien lire en rejetant le pouvoir de satan, seul opposant absolu à la piété. Ce rejet et cette interdiction sont justement possibles par la présentification, l’évocation par le Nom de Dieu.
  2. Le verbe « lire » est présent ensuite dans la sourate 17, verset14: <Lis ton livre, tu es surtout responsable aujourd’hui de toi-même.> Le livre lu ici est le livre personnel dont chacun est chargé le Jour du jugement. C’est le livre personnel de tout un chacun et la responsabilité est alors absolument personnelle: chacun par la lecture de son livre -sa vie, ses actes, etc.- est acteur et juge. C’est le moment de vérité et de responsabilité. Mentir est impossible, et chacun répond de soi dans la vérité par son livre. Le possessif ici est d’adhérence au livre qui est le soi, le même de l’étant, mais révélé et enregistré. Livre intime et particulier, « ton livre » est le lieu d’inscription strictement personnel et chacun est obligatoirement lecteur de son propre livre. Assimilation finale de l’écriture à la lecture, c’est le jour de publication de chaque livre personnel. Le temps verbal dans ce verset est l’impératif, deuxième personne avec la précision de l’objet de lecture. D’ailleurs ce « tu » est multiplié dans le verset, sollicité avec insistance (4 récurrences en 7 mots). Le sujet, lieu d’adresse, est ainsi presque agressé, amplifié par l’adéquation du livre et de la lecture à leur sujet en ce lieu/moment ultime de la Rencontre finale.
  3. Dans la même sourate (17), nous avons la mention suivante du verbe « lire » (verset 45): <Et quand tu lis le Coran Nous faisons en sorte qu’il y ait entre toi et ceux qui ne croient pas au Jour Dernier un voile isolant/isolé>. Et justement ce lieu/moment de rencontre finale, le Jour Dernier, est partie intégrante de la foi du croyant. Lire le Coran établit alors, par le pouvoir de Dieu, une séparation entre croyants et non-croyants. « Tu » est toujours le sujet-lecteur dissocié des « autres » -les non-lecteurs, les non-croyants- par le pouvoir de la lecture. Le pouvoir du « Nous » ici, est pouvoir transcendant au texte et à ses lecteurs mais, simultanément, émanant du Texte. Et, c’est ce dernier qui établit la ligne de partage: excluant et isolant. D’où l’ambiguïté et la richesse du terme « isolant/isolé» <masturan>. Car le voile, en général, a surtout pour fonction de cacher, de voiler, d’isoler par rapport au regard. Mais ce voile-ci est cachant mais aussi caché, voilé aux regards. Dilemme étrange, posant problème aux éxégètes: « On a dit que c’est un voile qu’on ne peut voir car caché; et il est possible aussi que ce soit un voile couvert d’un voile, voilé par d’autres voiles. » [El Zamakhchari- Tome 2- p.451]. Voilant/voilé, isolant/isolé, le même geste    répartit croyants et non-croyants par l’effet de lecture du Coran. Ce blocage par/lors la lecture est en fait une rupture de réception. Seuls sont (possibles d’être) récepteurs ceux qui croient, qui veulent écouter sans renier a priori, et non pas ceux qui refusent déjà d’adhérer donc ne peuvent pas écouter. Récepteur isolé s’isolant.
  4. Toujours dans la même sourate 17, le verset 71 donne à lire: <Le jour où Nous inviterons tous les gens par leur chef, celui à qui sera donné son livre par sa droite, ceux-là lisent et ne sont aucunement injustement jugés>. En ce Jour Dernier, la possibilité de la lecture sera restreinte à une catégorie de « lecteurs ». Et, il y aura différenciation par la main qui tient le livre. Ceux qui le tiendront par la main droite seront dans la droite voie et pourront avoir accès à la lecture. Conditions bien particulières de cette situation unique de lecture finale. La marque -la main droite- signe la différence et donne le pouvoir d’accéder à un statut priviligié: voir et lire. Statut hérité de leur vie sur terre, et le verset suivant spécifie: <Celui qui a été aveugle là (sur terre) est aveugle le Jour Dernier et en pire errance> (v.72).
  5. Dans le verset 93 de la même sourate, nous lisons: <Ou bien tu (Mohamed) possèdes une maison ornée ou tu t’élèves dans le ciel et nous ne croirons à ton élévation que quand tu fais descendre sur nous un livre que nous lisons; dis: Honoré soit mon seigneur, ne suis-je autre chose qu’un humain messager>. La lecture ici est condition de défi, celui d’un livre-miracle, preuve de la réalité divine demandée par les contestataires. Justement ceux-ci qui refusent a priori et façonnent de faux arguments, demandent un livre descendu du ciel, déposé par le prophète pour prouver sa relation avec le pouvoir divin. Défi lancé par des non-voyants qui ont déjà décidé de ne pas voir, mêlant foi et preuve matérielle, qui demandent du divin en puissance de l’humain. Cette confusion est bien sûr une condamnation sans retour.
  6. La dernière mention du verbe « lire » dans cette sourate est un aboutissement, un achèvement par la lecture du texte (verset 106): < Et un Coran que Nous avons structuré pour que tu le lises aux gens avec            précaution et Nous l’avons  fait descendre absolument>. Dans ce verset capital se trouve la lecture comme but d’un texte dont sont précisés le mode d’énonciation (la structure), les récepteurs (tous les gens), le but (lire avec précaution) et bien sûr le geste du don. Ainsi les « aveugles » déjà cités sont des non-voyants volontaires car ce texte est donné à tous les gens: croyants et non-croyants. Synthèse ici des catégories de récepteurs mais aussi accomplissement du dispositif de lecture. Dispositif achevé, perfectionné par la mise en évidence de tous ses éléments, de toutes ses instances. Le Sujet du don, son Origine, est souligné en début et en fin de verset: Nous l’avons structuré – Nous l’avons fait descendre.
  7. Le verset 199 de la sourate 26 présente le verbe « lire » dans un rejet: <Qu’il le leur lise ils n’y croient pas>. Les pronoms remplacent des termes absents, présents dans les versets précédents mais non précisés ici, à savoir le prophète (il), le Coran (le, y), ceux qui ne parlent pas de façon compréhensible (ils) (5). Le verset est composé d’absences rendant ainsi le contexte essentiel pour la compréhension. La différence d’un « langage compréhensible » est présentée comme un obstacle à la lecture, et non pas la différence de peuple ou de langue. Car dans les versets précédents, il a été précisé que les savants des fils d’Israël (peuple et langue autres) avaient déjà la preuve de la légitimité de Mohamed et de son message -et y croyaient. L’absence de langue arabe n’est donc pas l’absence du moyen de croire, car le verset précise « ils ne le croiront pas » et non « ils ne le comprendront pas ».
  8. Dans la sourate 69, nous lisons le verset 19: <Quand à celui qui a  reçu son livre avec sa main droite, il dit: tenez lisez mon livre>. La lecture ici est toujours du livre propre, tenu en main droite, lors du Jour Dernier. C’est le Jour de l’Evidence, où tout paraît dans sa vérité, inscrit, pour le perdant comme pour le gagnant. Ce dernier serait alors soulagé de pouvoir donner à lire un livre qu’il sait positif.
  9. et 12. Dans le long verset 20 de la sourate 73, nous avons une double et identique mention du verbe « lire »: <Ton seigneur sait que tu te lèves (pendant une période) moins des deux tiers de la nuit, sa moitié et son tiers, ainsi qu’un groupe de ceux qui sont avec toi; et Dieu juge (bien) la nuit et le jour et il a su que vous ne pourrez pas évaluer (la juste portion de la nuit); Il vous pardonne donc; lisez alors ce qui vous est possible du Coran, Il a su qu’il y aurait parmi vous des malades; et d’autres qui travaillent la terre cherchant les biens de Dieu; et d’autres qui combattent dans la voie de Dieu; lisez donc ce dont vous êtes capables, faites la prière, donnez l’aumône, prêtez à Dieu d’un prêt généreux, et ce que vous présentez de bien à vous-mêmes, vous le retrouvez chez Dieu en bien et en meilleure gratification; repentez-vous à Dieu car Dieu est Celui qui pardonne le    Miséricordieux>. La lecture ici est présentée comme devoir religieux           équivalent à la prière et à l’aumône, c’est la lecture particulière du Coran durant une portion de la nuit, lecture en solitude, sans témoins, activité de foi au plus intime de la vie humaine. Le mode ici est l’impératif, mais pluriel et associé à un « donc », impliquant toutes les difficultés d’une telle lecture. Le texte lu, en prière, est bien sûr le Coran.
  10. Dans le verset 18 de la sourate 75, Dieu assure: <Et quand nous le lisons suis sa « lecture »>. Le terme « lecture » ici est <kor’an> et non <kera’a>, qui est le substantif courant du verbe <kara’a> (lire). Ainsi le Coran est le texte de lecture par excellence – ou alors le texte lu n’est que le Coran. Ce verset est en relation avec la situation d’énonciation et de dictée du Coran. Le verset précédent précisait au prophète de ne pas s’empresser pour retenir par coeur: <Ne fais pas bouger ta langue pour t’empresser à le lire>. Cette pondération -recommandée- de la lecture est un conseil assurant que le texte est là, le prophète ne peut pas le rater, le perdre. Il suffit d’avoir confiance, foi, de répéter après avoir écouté. Ici, l’assimilation de « lecture » à « Coran » n’est pas un simple fait de langue – les deux termes étant corrects-. Mais c’est pour instituer que par la lecture-réception du prophète à la suite de la lecture-énonciation de Dieu par l’intermédiaire de l’ange Gabriel, le texte est Coran, texte absolu, de lecture finale .
  11. Le verbe « lire » est mentionné une fois de plus au passif, sans sujet dans le verset 21 de la sourate 84: « Et quand leur est lu le Coran ils ne s’agenouillent pas ». Ces infidèles n’ont pas la foi et ne reconnaissent pas la proximité à Dieu dans le fait de s’agenouiller. Le verset précédent posait la question: « Qu’ont-ils à ne pas croire ». Foi et lecture sont toujours ainsi en relation, dans un retour -à genoux- vers Dieu.
  12. « Nous te ferons lire, n’oublie donc pas » (sourate 87, verset 6). L’impact de la lecture est là en son apogée. Le futur allié à la formule « Nous te » implique une volonté incontournable. C’est un ordre et une évidence. C’est une lecture, fait accompli, pour la mémoire, la garde. La mémoire (n’oublie pas) est là absolue. Cette sourate, vers la fin du Livre, débute par « Vénère le nom de ton seigneur le plus supérieur ». Même coordination du superlatif absolu avec l’intime de la relation par le possessif. Dans cette sourate, l’incipit – assez proche de celui du début de la Révélation (sourate 96)- développe une dynamique et une stratégie de la mémoire en relation avec la lecture. Ainsi ce verset 6 impose, conjugue inextricablement le faire-lire avec le rejet -par la négation- de l’oubli. Le verset suivant (7) introduit une exception (donc la possibilité de l’oubli mais sous certaines conditions): « Sauf ce que Dieu veut; c’est Lui qui sait le déclaré et ce qui est caché». Par là, n’oublie pas absolument, mais oublie dans l’ordre du dispositif instauré par Dieu. Et, « Rappelle si le rappel est utile (10)- Se rappellera celui qui craint (10)- Et l’évitera le plus malheureux  (11) ». Et enfin: « Ceci est dans les premières Tables(18)- Les Tables de Ibrahim et de Moïse(19) ». Fin de la sourate. La lecture est donc un dispositif bien agencé, en relation intrinsèque et nécessaire avec la dynamique de la mémoire. La dictée se fait selon un ordre comprenant et    mémoire et oubli. L’une est nécessaire à l’autre, l’une conditionne l’autre, l’une n’est pas possible sans l’autre. Ainsi la lecture mène à ce double nécessaire, mémoire/oubli, pour susciter le rappel (tout n’est-il pas déjà en mémoire?) car tout est déjà inscrit dans les premières Tables. Ecriture unique, de source, revitalisée et ressourcée par la lecture, la mise en action du dispositif et de sa dynamique mnémotechnique, par la répétition.
  13. et 17. Et nous aboutissons ici à la double finale du verbe « lire » à l’incipit de la Révélation du texte coranique: sourate 96, versets (1) et (3). Ce double impératif, absolu et intemporel, amorce, récapitule, parfait, et parachève toute la composition de l’activité de lecture. Comme nous l’avons vu plus haut, le double « LIS » conjugue la foi (au nom de Dieu) et la science (Qui a enseigné) et appelle la plume et l’écriture. Lire pour inscrire un texte déjà « écrit » -« texte premier »- pour le garder ici-bas et le donner incessamment et infiniment aux lecteurs.

     Et, après avoir lu toutes les mentions du verbe « lire », nous pouvons, là,  déceler un trajet et une structure ayant un sens (au double sens de ce mot: direction et signification) et donnant sens pour la prise du texte comme Tout.  Si nous mettons à l’écart les deux dernières mentions (sourate 96) au statut particulier -deux impératifs absolus-, nous avons une série de 15 mentions du verbe « lire » en activité avec leur contexte. Le noyau de cette série serait la huitième mention (sourate 17, verset 106). Les six premières mentions     débutent avec le verbe « lire » au passif puis alternent régulièrement, comme objet de lecture, le Coran (mentions 1, 3, 5) et le livre particulier, propre ou demandé par certaines personnes (mentions 2, 4, 6). La septième mention présente comme objet de lecture « un » livre divin, commandé par les contestataires, et qui n’est bien sûr pas le Coran (car ils n’y croient pas…). Dans la neuvième mention, nous avons le verset elliptique (sourate 26, verset 199) avec comme complément le pronom d’objet direct (le) renvoyant non explicitement au Coran mais à «Une déposition (un apport qui a été descendu) du seigneur du monde entier (v. 192)-Descendue par  l’âme fidèle (l’ange Gabriel)(v.193)- Sur ton coeur afin que tu sois de ceux qui préviennent (v.194)- En langue arabe évidente (v.195)- Et ceci est dans les Livres des prédécesseurs (des premiers) (v.196) ». Donc pro-nom pour un Nom non précisé. Ces trois mentions (7, 8, 9) semblent former un noyau du dispositif, focalisant en son centre (8) les instances de la lecture et de la production d’un Livre structuré, donné à tous. Les mentions 7 et 9              présentent une extension du divin, de la sacralité du livre. Défi lancé par les contestataires ou livre-déposition, inspiration, hors-livre, plutôt message et Texte supérieur, « descendu », déplacé d’un lieu supérieur vers des lieux  inférieurs: la terre, les hommes, le coeur du prophète. Strates relativement disposées selon une répartition « autre ».

      La troisième section de la série de 17 mentions s’étend de la dixième à la quinzième. Cette dernière est « Nous te ferons », ordre, vérité et fait accompli de par son énonciation. De même, comme nous l’avons vu, le verbe « lire » est en rapport de génération, de production du processus de la mémoire. Lire pour la garde donc, parachèvement d’un trajet de lecture, production dynamique, mais aussi retour et rappel d’une garde originelle. La lecture dans cette troisième section est surtout lecture du Coran sauf pour la dixième mention où elle est lecture du livre personnel, élevé au statut d’un livre de délivrance, livre positif, donné à lire par son propriétaire aux autres, aux témoins du Jour Dernier.

     Ainsi nous pouvons lire une structure particulière de ces 17 mentions      réparties régulièrement [ 6/ 3/ 6 //2] obéissant à un ordre et dépendant pour chaque section d’une certaine homogénéité. Structure virtuelle, comme toute structure d’ailleurs, mais en fin de compte, nous lisons, là, un ordre du livre. Ordre au sens d’organisation et de structure par le maître de l’oeuvre, et ordre aussi au sens d’injonction à lire une  ponctuation, certaine et signifiante, par le maître toujours. Et, lire jette alors la lumière sur l’objet de lecture, le texte dans toutes ses dimensions, comme il établit le lien avec l’écriture par le calame.

* 3. LIRE / ECRIRE LE LIVRE.

     Le « LIS », impératif double comme incipit de la Révélation et plus tard invaginé dans le texte, est un énoncé à double portée créant un mouvement bien particulier. Il rompt le silence, déclenche la Parole et met en place un Texte. Mais du même mouvement, il est situé à la fin de ce texte et en dernier lieu de l’énonciation du verbe « lire ». L’incipit de la sourate 96 établit ainsi une boucle de récupération, d’agencement, d’extension et de    développement du verbe « lire ». Et il produit, par ce mouvement, une dynamique impliquant et la mémoire et le livre, tous deux structurants et structurés.

* 3. a. QU’EN EST-IL DE LA LANGUE?

     Si nous considérons toutes les récurrences du verbe « lire », nous pouvons voir que la lecture, quand elle n’est pas absolue (sourate 96), elle est lecture de deux livres possibles: le Coran et le livre personnel. Mais « lire », il ne faut surtout pas l’oublier, est originairement en relation essentielle avec la langue (lire en quelle langue?) et avec le savoir. La sourate 96 en avait présenté l’aspect fondamental en établissant le lien avec « apprendre quoi » et apprendre pour écrire, en écrivant. Comme le précise Benveniste: « Le langage est dans la nature de l’homme, qui ne l’a pas fabriqué. Nous sommes toujours enclins à cette imagination naïve d’une période originelle où un homme complet se découvrirait un semblable, également complet, et entre eux, peu à peu, le langage s’élaborerait. C’est là pure fiction. Nous n’atteignons jamais l’homme séparé du langage et nous ne le voyons jamais l’inventant. Nous n’atteignons jamais l’homme réduit à lui-même et s’ingéniant à concevoir l’existence de l’autre. C’est un homme parlant que nous trouvons dans le monde, un homme parlant à un autre homme, et le langage enseigne la définition même de l’homme. » [p.259].

     Le langage est ainsi essentiel à (avec) l’homme. Du don de son être et de son existence dépend le don du langage et du savoir. Mais quoi de la langue? En quelle langue a-t-il d’abord eu accès au savoir, à la communication?  Puisque nous parlons de Texte, de message, de Révélation, d’écriture et de science, il nous faut penser, au moins, l’esquisse de la problématique d’une langue originelle. Nous ne prétendons aucunement résoudre cette problématique, loin de là.  Mais nous nous devons de la poser: quelle serait cette langue à l’origine de toutes les langues et du savoir en général et pourquoi cette variété en ce qu’on reconnaît actuellement comme le « phénomène de Babel »? Une hypothèse, semblant assez plausible et présentant en réalité un aspect véritable de l’essentialité d’une langue originelle s’offre à nous. Cette hypothèse est celle de Ibn Hazm présentée et commentée par Umberto Eco:

       « C’est que les langues ne peuvent pas être nées par convention, puisque, pour en accorder les règles les hommes auraient eu besoin d’une langue qui précède celles-ci; mais, si cette langue existait, pour quelle raison les hommes auraient-ils dû se donner la peine d’en construire d’autres, entreprise injustifiée et pénible? Il ne reste pour Ibn Hazm qu’une seule explication: la langue originaire comprenait toutes les langues.

     La division successive (que le Coran voyait déjà, d’ailleurs, comme un   événement naturel et non comme une malédiction (…)) n’a pas été provoquée par l’invention de nouvelles langues, mais par la fragmentation de cette langue unique qui existait ab initio, dans laquelle toutes les autres étaient contenues.(…)

     Essayons d’accepter cette suggestion qui nous vient de loin. La langue  mère n’était pas une langue unique, mais l’ensemble de toutes les langues.» [pp.396-397]

     Benveniste et Ibn Hazm (et Eco…) se rejoignent donc pour reconnaître l’essentialité du langage et d’une langue à l’être humain. Le plurilinguisme actuel devant être alors compris comme étant une diversité dans le même afin de permettre à l’homme d’exister dans une dynamique de l’échange et de la différence (« Vous les hommes Nous vous avons créés de mâle et de femelle et Nous vous avons fait être peuples et tribus pour que vous vous connaissiez; le plus supérieur d’entre vous est le plus pieux (craignant Dieu); Dieu est Celui qui sait, le connaisseur »[49(13)].

     L’homme possède alors essentiellement la parole et dans la même « essence » il possède le savoir. Car Dieu a donné à l’homme, dès son origine avec Adam, la parole et la science, le situant ainsi à un degré supérieur à toutes les autres  créatures, même les anges, pour en faire son <khalifa> ou son représentant sur terre. Supériorité et originalité- donc responsabilité- de la créature humaine par le savoir et par la foi de Dieu en ses sujets: <Et quand ton seigneur a dit aux anges: J’ai fait être sur terre un khalifa(un lieu-tenant), ils ont dit: Tu y (sur terre) fais être qui la détériore et y répand le sang alors que nous Te vénérons en te remerciant, en te sanctifiant; Il a dit: Je sais ce que vous ne savez pas (30)- Et Il a enseigné / appris à Adam tous les noms puis Il les a présentés aux anges et a dit: informez-Moi des noms de ceux-ci si vous êtes sincères (31)- Ils  ont dit: par ta vénération nous n’avons le savoir que de ce que Tu nous a appris; Tu es Celui qui sait le plus sage (32)- Il a dit: Adam informe-les de leurs noms, et ainsi quand il les a informés de leurs noms Il a dit: ne vous ai-Je pas dit que Je sais l’inconnu des cieux et de la terre et Je sais ce que vous manifestez et ce que vous étouffez (33)>[sourate 2]. Et, comme résultat de cette supériorité donnée à l’homme, tous les anges, sauf Satan, s’agenouillent devant lui. Reconnaissance et adhérence des uns et responsabilité des autres -les humains-, la science est alors un don faisant être supérieur. Et par là, l’homme acquiert le langage, peut communiquer, lire, écrire, reconnaître et énoncer.

* 3.b. QUEL LIVRE? QUELLE ECRITURE?

     Dans le Coran, l’homme lit dans deux livres possibles: le Coran, les livres divins et le livre personnel (livre dans lequel s’inscrit le propre de chacun). L’écriture, elle, dépasse le livre et le transgresse. Car « écrire » dans le texte du Coran est une activité qui s’inscrit sur deux plans. « Ecrire » a son premier sens, matériel et commun d’écrire avec un outil sur une surface de réception pour garder. Inscription donc sur et par, pour sauver au-delà du temps et de l’espace. Cette écriture prolifère et se dissémine sur une large étendue. Elle a lieu, très prosaïquement, dans le verset qui instaure l’importance d’enregistrer toute dette, fût-elle minime, pour établir la justice entre les gens. Dans le plus long verset du Coran [2 (282)] (6) sont inscrits tous les aspects de cette écriture capitale (car elle sauve de l’injustice), et sont alors enseignées les procédures par lesquelles doit passer le scripteur <kateb> pour enregistrer les clauses du contrat, la dette, les droits du créancier et du débiteur. Toutes les instances sont là présentes: la dette, l’endettement, l’écriture, le scripteur, la dictée, le débiteur, le créancier, les témoins, le témoignage, le rappel, la mémoire, et le pardon au cas où le créancier laisse tomber la dette. Et, couvrant le tout, sont présents Dieu, principal témoin et créancier, et la justice dans le cadre de la responsabilité.

     Ecrire ici est présent sous une forme élémentaire d’un engagement et d’une garde, présence unique d’ailleurs dans le texte quant à la forme (verset le plus long), au signifié (la matérialité de l’écriture) mais aussi quant à la présence unique de l’actant scripteur. Le scripteur n’est présent nulle autre part dans le texte du Coran. De même le verbe « écrire » à la troisième personne du singulier (il écrit) est présent uniquement dans ce verset comme activité du scripteur écrivant selon les règles et la justice de Dieu, sous la dictée des protagonistes et la présence des témoins. Ce statut et cette forme « primaires » de l’écriture dans la clôture de la première sourate capitale du Coran (après la sourate de « l’Ouverture », incipit du Livre) semble présenter un cas à part, marginal, de l’écriture de par sa particularité et son élémentarité. Mais en fait, nous reconnaissons, là, dans les instances de ce « cas particulier » toutes les instances de l’écriture -en son sens le plus large- telle que la conçoit le texte du Coran et comme nous le verrons maintenant.

     Dans le texte coranique, écrire prolifère selon deux axes. Le premier de ces axes est celui de l’écriture matérielle, comme nous l’avons déjà noté plus haut: écrire sur [ par exemple en 7 (145): <Et Nous lui (Moïse) avons   écrit sur les Tables de toute chose comme sermon et en détail pour toute chose…> et en 21 (105): <Et Nous avons écrit dans le Zabour…> et en 7 (157): <Ceux qui suivent le messager prophète analphabète qu’ils trouvent inscrit dans la Torah et l’Evangile…>], écrire avec [par exemple en 7 (79): <Gare alors à ceux qui écrivent le livre par leurs mains puis disent: ceci est de Dieu pour gagner un prix modeste…> et même sens en 2 (79): <Gare à eux alors de ce que leurs mains ont écrit…> et en 68 (1): <Noun et par le calame (la plume) et par ce qu’ils alignent (ce qu’ils écrivent sur les lignes)>], écrire un témoignage pour le garder dans l’au-delà,  et cette         écriture- là est intermédiaire entre production et acte humains et pouvoir divin [par exemple en 3 (181): <Dieu a entendu le discours de ceux qui ont dit: Dieu est pauvre et nous sommes riches; Nous écrirons ce qu’ils ont dit et leur massacre des prophètes injustement…> et en 36 (12): <Nous ressuscitons les morts et Nous écrivons ce qu’ils ont présenté et leurs traces, et toute chose Nous l’avons enregistrée dans un texte-chef évident> et en 3 (53): <Notre seigneur, nous avons cru en ce que Tu as fait descendre et nous avons suivi le messager, écris-nous donc parmi les  témoins> et en 43 (19): <Et ils ont fait des anges, qui sont des sujets du  Miséricordieux, des femelles; ont-ils vu leur création (de ces anges)?; leur  témoignage sera écrit et ils en répondront>]. Ecrire en ce sens est de même employé au passif: se faire écrire par quelqu’un [comme en 25 (5): <Et ils ont dit: légendes  des premiers qu’il (le prophète) s’est fait écrire, car elles lui sont dictées nuit et jour>]. L’écriture sur cet axe, est enregistrement, inscription pour la garde et le classement, sorte d’engagement et de contrat (pour un bilan final?). Cette écriture-là peut aussi avoir lieu à partir de. Donc, elle réfère à une origine, une source première qui l’alimente et lui donne sa raison d’être [comme en 52 (41): <Ou bien possèdent-ils l’inconnu et alors ils écrivent>, ceci dans une série de versets énumérant des défis lancés par Dieu à ceux qui démentent le prophète] et verset repris identiquement en 68 (47).

     Selon un autre axe, l’écriture est le pouvoir unique de Dieu. C’est un pouvoir absolu d’engagement, de sceau imposé, de marque et de responsabilité. Il est exprimé par l’expression d’ «écrire sur / en / pour quelqu’un ». Cette écriture est un sceau indélébile, posé  par Dieu et engageant, rendant responsable tel ou tel être humain. Nous le retrouvons dans le texte sous différentes formes, mais sa forme absolue, la plus pure et la plus supérieure est celle de Dieu s’engageant, obligation suprême du Pouvoir:<Dieu a écrit sur Lui-même la pitié[6(12) et (54)]. Il s’est engagé à, Il a décidé d’être compassion et pitié, pardon absolu. Car Il est                  miséricorde et absolution. Il est le Pardon. Ecriture majeure et absolue de Dieu à partir de laquelle se développe l’autre axe de l’écriture: donner aux humains des formes particulières de leur être, des engagements, des responsabilités dont ils doivent répondre. Ainsi, Dieu a écrit à certains une terre, un pays, comme le dit Moïse à son peuple: <Mon peuple, entrez en terre sainte que Dieu vous a écrite…>[5(21)], appel lancé mais refusé, rejeté, écriture non-assumée -quitte à en payer le prix.

     De même, Dieu a écrit pour les croyants certaines obligations pour parfaire leur pratique religieuse, comme dans 5 (32): <Pour ce, Nous avons écrit sur (pour) les fils d’Israël que quiconque tue une âme sans qu’elle soit fautive de meurtre ou de dégât sur terre c’est comme s’il avait tué tous les gens, et quiconque lui (à une âme) permet la vie c’est comme s’il avait permis la vie à tous les gens.> et dans 5(45): <Nous leur y (dans la Torah) avons écrit que âme pour âme, oeil pour oeil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent et les blessures en dette de justice; qui en fait alors aumône (ou dispense de cette dette) c’est une dispense et qui ne juge pas par ce que Dieu a fait descendre, ceux-là sont les injustes.>. De même, les pratiques de la religion sont écrites pour les croyants: <Vous qui croyez, il vous a été écrit le jeûn comme il a été écrit à ceux qui vous ont précédé, pourvu que vous craignez (Dieu)>[2 (183)], <Il vous a été écrit le combat; c’est détestable pour vous, pourvu que vous ne détestez une chose qui vous soit un bien et pourvu que vous n’aimez une chose qui vous soit un mal; et Dieu sait et vous ne savez pas>[2 (216)]. L’écriture là est un engagement, une responsabilité endossée (d’où écrire sur, pour). Responsabilité morale -volontairement acceptée ou non- en rapport parfois avec l’essence même de la foi, et parfois avec  l’étant même de la créature [22(2): <Et parmi les hommes il y en a qui discutent en Dieu sans savoir et qui suivent tout Satan rebelle- (3)Il lui (à Satan) a été écrit que quiconque le suivra, il l’égarera et le guidera vers la souffrance de l’enfer>]. Cette écriture est un don reçu, don qui conditionne son récepteur, l’engage, espèce de contrat implicite dont doit répondre le débiteur.

     Les deux genres de livres que nous avons pu voir dans le texte du Coran semblent être des conséquences logiques à ces deux formes d’écriture. Livre divin, supérieur, et livre personnel, répondant de son propriétaire. Mais en fait, la référence finale de ces livres et de ces écritures est unique, c’est la « mère du Livre »[13(39): <Dieu efface ce qu’il veut et fixe; et chez Lui est la mère du Livre>]. Livre suprême donc en une Table conservée [85 (21): <Mais c’est un Coran glorieux- (22) En une Table conservée>]. C’est le Texte dans toute sa pureté tel que le précise les versets (77) et (78) de la sourate 56: <C’est un verbe (kur’an) généreux / Dans un livre bien gardé>. Ici, le terme <kur’an> est assez ambigu comme le précise Miquel: « Faut-il traduire, ici, qur’ân par « le Coran »? Le texte sacré de l’Islam, au moment où se fait cette prédication (pour cette sourate: à la Mekke), n’a pas encore reçu, de la part d’une communauté unanime, le statut et le nom que nous lui connaissons et reconnaissons. Et que dire de la traduction par « un Coran », littérale certes, mais encore moins recevable? Il faut, semble-t-il, prendre ici qur’ân au sens originel de lecture prêchée, annoncée alors comme telle avant de devenir la Lecture, le Coran. (…) …pureté originelle d’un livre non créé, pureté d’un contenu véridique et parfait, statut exceptionnel, grandeur généreuse du don exemplaire de Dieu à ses créatures… » (pp.321-322).

     Se trouvent donc, en ce Texte unique, le recensement absolu et la garde suprême du Tout [6(59): <Chez Lui sont les clés de l’inconnu que Lui seul connaît; et Il sait ce qu’il y a sur terre et sur mer, et nulle feuille ne tombe que Lui ne connaît, ni nulle graine dans les obscurités de la terre, ni nul humide(chose) ou sec qui ne se trouvent dans un livre évident>]. C’est donc un Livre-source et un Livre-retour puisque tout en part et tout y revient, inscription dans l’indélébile. Et par là, l’écriture est écriture d’origine et d’aboutissement, pacte et gage, contrat et don, garde et témoignage. Et les deux sens -si ce n’est tous les sens possibles- fusionnent en ce sens premier, apparement élémentaire et prosaïque que nous avons lu dans la sourate 2, verset 282. Ce plus long verset serait ainsi le plus signifiant quant à tous les sens d’écrire et de recevoir une écriture comme étant un pacte, un contrat à remplir obligatoirement. Et le Livre-chef serait par excellence un livre a-temporel, complètement extérieur et étranger à tout circuit historique. La lecture, elle, en établit la possibilté et la temporalité humaines par la ponctualité de sa réalisation. A chaque prise du livre-Coran s’effectue une lecture qui parsème l’espace-temps humain de la présence du sens. Cette mobilité et cette itération dans l’histoire et la géographie humaines font être, rendent possibles le texte dans une réalisation virtuelle, particulière, en        référence constante à une Présence unique.

     Et se referme alors la boucle de la lecture sur ce qu’elle cherchait, à savoir le Sens, le texte lu, signifiant et donnant sens – en livre(s) ou en écriture(s). Elle se referme en une large ouverture de la structure même du lu et de l’être (se) cherchant à lire (dans) un texte donné, texte écrit a priori mais en continuelle lecture, à l’infini. De se déployer ainsi, le lecteur lisant et l’écriture lue conjuguent l’ouverture de la recherche et la boucle du Retour. Et peut-être pouvons-nous terminer avec Jean-Luc Nancy et sa réflexion à propos d’une « autre » religion, d’une autre pratique -toujours dans le même: « Il s’agirait de penser la limite (…), le tracé singulier qui « boucle » exactement une existence, mais qui la boucle selon le graphe compliqué d’une ouverture, ne revenant pas sur soi (« soi » étant ce non-retour même), ou selon l’inscription d’un sens qu’aucune religion, aucune croyance, aucun savoir non plus -et bien sûr, aucune servilité ni aucun      ascétisme- ne peut saturer ni assurer, qu’aucune église ne peut prétendre rassembler et bénir. Pour cela, il ne nous reste ni culte ni prière, mais l’exercice strict et sévère, sobre et pourtant aussi joyeux, de ce qu’on nomme la pensée. » [p.518] Et, c’est la pensée, qui s’élance et s’épanouit alors dans la portée et l’élan de la voix qui brise pour toujours – une fois pour toute- le silence et qui illumine pour donner à voir, à entendre, à saisir.

ـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ
NOTES:

* Nous évitons, bien sûr et systématiquement, de parler de « traduction » de sourate, le concept même étant impossible à envisager, ici plus que nulle autre part ailleurs. Impossibilité de reproduire et l’aspect formel du texte (surtout le côté linguistique avec toutes ses implications) et l’aspect           poétique (rythme, sonorités, « rimes », etc.), et enfin, le sens, ses méandres, ses nuances, ses ramifications et toute la richesse sémantique de chaque signe, car comme le dit Miquel, « … le Coran, texte lu, récité, psalmodié, avec son rythme et ses sonorités propres, est aussi, est d’adord, un texte de sens. » (p.390) Nous nous contraignons donc à proposer simplement, le long de notre travail, une « présentation » des versets du Coran. Et, nous nous soumettons avec Miquel, toujours, pour affirmer que « Pas de texte plus souverain, plus libre de toute contrainte, de tout modèle, que celui-là» (p.390).

** Professeur de langue française. Département de langue française. Faculté des lettres, Université du Caire.

Présentation en français la sourate 96:

(1) Lis au nom de ton seigneur qui a créé

(2) Créé l’homme à partir de ‘alak

(3) Lis et ton seigneur est le plus généreux

(4) Celui qui a enseigné par le calame (la plume)

(5) Il a appris à l’homme ce qu’il ne savait pas

(6) Non l’homme transgresse (abuse)

(7) Quand il se voit se suffire

(8) C’est vers ton seigneur qu’a lieu le retour

(9) As-tu vu celui qui interdit

(10) Un sujet quand il prie

(11) As-tu vu s’il est guidé

(12) Ou s’il ordonne la crainte (de Dieu)

(13) As-tu vu s’il ment et se détourne

(14) Ne sait-il pas que Dieu voit

(15) Non s’il n’en finit pas nous le tiendrons par le front

(16) Front menteur et fautif

(17) Qu’il convoque son clan

(18) Nous convoquerons les anges de l’enfer

(19) Non ne lui obéis pas et agenouille-toi et rapproche-toi.

 -Nous essayons donc de présenter là une « transposition » d’une langue en une autre, quitte à garder en suspense certains termes dans leur ambiguïté originelle, et quitte à se référer au corps même de notre lecture.

(1) 4(164):<Et des prophètes que Nous t’avons racontés avant cela et des prophètes que Nous ne t’avons pas racontés; et Dieu a parlé à Moïse de paroles.>

    7(143): <Et quand Moïse est arrivé à Notre temps/lieu ( terme arabe <mikat> conjuguant une ponctualité temporelle et spatiale) précis et que son seigneur lui parla, il dit: mon seigneur, fais-moi voir que je Te regarde (expression aussi inusitée et particulière en arabe qu’en français); Il dit: tu ne Me verras pas, mais regarde la montagne si elle demeure à sa place tu Me verras; quand son seigneur se révéla à la montagne Il la terrassa et Moïse s’effondra foudroyé; quand il reprit conscience il dit: Dieu tout-puissant je me repens et je suis le premier des croyants.>

(2)  Nous adoptons dans ce travail le terme « sujet » au sens de sujet de Dieu, sens donné en arabe par le terme <‘abd>: qui adore, prie et se soumet à Dieu. Sens en fait étymologique du terme « sujet » en français: « ce qui est soumis, subordonné à» [cf. Le Robert], dans une acception humaine, en relation avec la sujétion, mais dénuée, pour l’arabe, de l’injustice ou de la violence.

(3) Une étude très intéressante de la présence de termes étrangers dans le Coran, termes jusque-là obscurs pour les éxégètes et les linguistes arabes, explique le mot <‘alak > comme étant un terme de la langue égyptienne ancienne et signifiant textuellement: « la raison, la compréhension, l’entendement ». La thèse de cette étude est que le texte du Coran est produit en langue arabe mais il maintient dans sa texture certains termes plus anciens, issus d’autres langues plus anciennes, comme par exemple les débuts -énigmatiques- de certaines sourates en pures lettres, épelées et sans signifiés évidents. Ici, bien sûr, peut être insinuée -par nous- la thèse d’une langue originelle de laquelle ferait partie la langue arabe. Et les termes       « étrangers » seraient les traces de cette langue, gardées et maintenues par le texte du Coran [cf. Saad Abdel Motteleb El Adl – p.30].

(4) Par « absolu » ici, nous entendons le sens « parfait » du mot (comme le souligne El Zamakhchari pour le terme « le plus généreux »). Ainsi, les verbes sont pris en leur sens parfait, sans complément direct, même si leur emploi courant requiert un tel complément, comme pour « créer », « enseigner », « voir », « lire », « transgresser », « interdire ». De même des verbes comme  « se détourner », « se rapprocher » exigent dans la plupart des cas une précision intransitive comme « se détourner de… », etc. Pour d’autres termes, nous avons un trait superlatif comme pour le cas de « ce qu’il ne sait pas » ou « le plus généreux ». Quant au substantif <roj’a> « le retour », c’est une forme accomplie du verbe <raja’>, « retourner », prise ici au sens de Retour ultime, aboutissement final et infini..

(5) Pour les éxégèses, le terme <‘ajami> renvoie en général à ceux qui ne parlent pas l’arabe, les étrangers. Mais dans l’Encyclopédie des termes du Coran, ce terme signifie précisément « celui qui ne parle pas, qui ne produit pas de son, muet; ou n’importe quel être humain ne produisant pas de langage compréhensible ». Est <a’jam > aussi, par extension, « celui qui possède dans son langage une déformation rendant incompréhensible sa parole, fût-il arabe ou non-arabe »[p.412].

(6) Autre présentation ou « transposition » : verset (282) de la sourate 2:

     Vous qui avez la foi, si vous êtes endettés pour un temps défini écrivez la dette, et qu’un scripteur écrive entre vous avec justice, et aucun scripteur ne refusera d’écrire comme Dieu lui a appris, qu’il écrive et que lui dicte celui à qui revient le droit (de toucher la dette), qu’il craigne Dieu son seigneur et qu’il n’y (dans l’enregistrement de la dette) néglige rien; si celui à qui revient le droit est idiot ou faible ou ne peut pas dicter, que son tuteur, lui, dicte avec justice; et prenez comme témoins deux de vos hommes, s’ils ne sont pas deux hommes que ce soient un homme et deux femmes de ceux que vous acceptez comme témoins au cas où l’une des deux s’égarera l’autre lui rappellera; et les témoins ne refusent pas s’ils sont convoqués; et ne vous    gênez pas de l’(la dette) écrire minime ou importante à son terme, ceci est plus équitable chez Dieu, plus correct pour le témoignage et pour éviter le moindre doute; ne fusse alors un commerce présent en activité entre vous, alors vous n’aurez pas tort de ne pas l’écrire, et prenez des témoins quand vous faites des échanges commerciaux; et nul dommage n’atteint le scripteur ou le témoin; et si ceci a lieu, c’est une déhiscence (une transgression) de votre part, craignez Dieu, Il vous enseigne; et Dieu est connaisseur de toute chose.

     Dans le verset suivant est présenté le cas où il est impossible de trouver un scripteur -support essentiel du contrat et de l’écriture-, alors comme substitut, Dieu propose la solution d’un gage touché et rendu lors de l’expiration de la dette.

Bibliographie:

  • Textes français.
  1. Emile BENVENISTE: Problèmes de linguistique générale (Editions Gallimard- 1966).
  2. Jacques DERRIDA: L’écriture et la différence (Editions du Seuil- 1967).
  3. Marges de la philosophie (Editions de Minuit- Collection Critique – 1972).
  4. Donner la mort in L’éthique du don – Jacques Derrida et la pensée du don (Colloque de Royaumont – décembre 1990- Editions Métailié – Transition- 1992).
  5. Foi et savoir (Editions du Seuil- 2000).
  6. Umberto ECO: La Recherche de la langue parfaite dans la culture européenne (Editions du Seuil- 1994).
  7. André MIQUEL: L’événement- Le Coran: Sourate LVI (Editions Odile Jacob- 1992).
  8. Jean-Luc NANCY: La déconstruction du christianisme (in Les Etudes philosophiques, numéro 4- pp.503 à 518 -1998).
  • Textes arabes.
  1. Mo’gam alfaz el kor’an [Encyclopédie des termes du Coran] par Magma’ el logha  el arabia [Académie de la Langue Arabe]. (Editions El Shorouk- 1981).
  2. EL RAZI: El Tafsir el Kabir- Tome 32.
  3. EL ZAMAKHCHARI: El Kachaf .
  4. Saad Abdel Motteleb EL ADL: L’hiéroglyphe explique le Coran (en photocopie- 1999).

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