Al-Mouhaddithāt dans l’Histoire Islamique

Al-Mouhaddithāt dans l’histoire islamique*

Omaima Abou Bakr**

 Introduction

Les femmes ont-elles travaillé pendant les premiers siècles de l’Islam dans le domaine de l’enseignement religieux au même titre que les savants et juristes de l’époque? Ont-elles été professeures et ont pu transmettre aux étudiants (hommes ou femmes) un savoir bénéfique ?

Travailler dans le domaine de l’enseignement religieux; lire et expliquer les ouvrages de référence n’étaient pas une tâche facile ni tenu pour acquis en ces anciens temps qui étaient marqués par de nombreux obstacles en ce qui concerne la quête du savoir et l’acquisition des compétences pédagogiques.

Et puisque l’on parle des époques ayant précédé la naissance des universités en tant qu’institutions officielles offrant des enseignements supérieurs, il était nécessaire de voyager, de partir loin pour puiser directement de la source scientifique, et donc de participer au domaine social public, ce qui expose la femme dans n’importe quelle société à la visibilité et stimule un consentement et une acceptation aux changements du concept de répartition des rôles entre hommes et femmes dans les domaines privés et publics… Il s’agit là d’un progrès de la pensée humaine et des sociétés que la culture médiévale n’a généralement pas connu.

À ce sujet par exemple, les chercheurs, spécialistes en matière d’éducation de la femme et de sa participation dans la vie scientifique publique, au cours de l’histoire de l’Europe occidentale, sont confrontés à de nombreuses difficultés pour obtenir des informations authentiques sur le niveau d’alphabétisation ou sur d’autres détails dans les domaines culturels et scientifiques. Ils ont ainsi conclu que l’alphabétisation était limitée aux femmes de classes supérieures et celles de la bourgeoisie, qui lisaient des romans émotionnels ou des écrits romanesques de l’époque sans toutefois être habiles pour l’écriture, et c’est la raison pour laquelle elles embauchaient un scribe ou une secrétaire particulière[1]. D’après les écrits de certains pédagogues tel que le célèbre avocat Philippe de Novare « la femme n’apprenait que le tissage et le tricot, car l’alphabétisation est dangereuse pour elle et cela était dans son intérêt», de là, les chercheurs ont déduit que cette affirmation reflète l’opinion publique qui régnait en Europe au XIIIe siècle. Cette opinion a condamné l’éducation de la femme en général et a privé leur majorité de l’enseignement supérieur et de l’éducation intellectuelle[2]. Il n’y avait qu’un seul type d’instruction accordé aux femmes aristocrates à travers les couvents et dans les maisons de notables et princes. Il y avait aussi l’apprentissage de l’alphabet et des instructions religieuses (Catéchismes) disponible pour les filles et les garçons pauvres dans les écoles primaires des villes et des villages, et un enseignement professionnel accessible aux classes d’artisans et travailleurs manuels[3]. Cependant, la pédagogie éducative de la femme tendait à l’éloigner des sciences avancées et à la limiter au domaine des tâches ménagères féminines ou à l’apprentissage des arts d’étiquettes et de Courtoisie pour trouver un mari convenable.

Simultanément, dans les sociétés islamiques deux facteurs ont conduit à l’échec des femmes à obtenir l’égalité des chances dans l’enseignement, en particulier dans les établissements et institutions officiels après la création des écoles. Premièrement, les Arabes ont élevé la femme à un rang noble et ont voulu lui épargner les dangers de la quête du savoir, la dureté de la vie et l’austérité qu’endurait l’étudiant durant son parcours culturel à l’étranger. Deuxièmement, leur énorme préoccupation morale s’est traduit par une haine de la fréquentation hommes/femmes, et a accentué le désir de le limiter ou de l’interdire autant que possible[4], même si cette haine a eu pour résultat la violation du droit islamique fondamental accordé aux femmes d’acquérir le savoir dans ses établissements ou d’en profiter pour travailler sur le terrain.

Dans de telles conditions historiques, l’émergence d’un groupe de femmes érudites dans les premières sociétés musulmanes occupant la place de Professeur, nous surprennent. D’autant plus qu’elles étaient des spécialistes qualifiées pour donner des leçons et des conférences dans les mosquées et les maisons. En fait, cet article vise à présenter le domaine dans lequel les femmes musulmanes ont participé et ont exercé une telle activité éducative spécifique, et à observer également la nature et les caractéristiques de ce processus éducatif dans son contexte historique pour comprendre ses indications révélatrices dans la vie des femmes.

Nous nous appuyons dans cette étude sur deux ouvrages qui comptent parmi les dictionnaires les plus célèbres des XIVe et XVe siècles: Ad-Dourar al-Kāminah” (Les Perles cachées) d’Ibn Hajar Al-‘Asqalānī (décédé en 1448 après JC) et Ad-Daw’ al-Lami’” (La Lumière brillante) de Mohammad Shams ad-Dīn as-Sakhāwī (1427-1497 après JC). Les deux livres comprennent de brèves biographies des plus célèbres érudits, dignitaires et juristes de l’époque.

Qui sont les Mouhaddithāt ?

 Mouhaddithah (féminin de Mouhaddith) est un savant (homme ou femme) spécialiste dans la science des hadiths prophétiques, « y compris à la fois la science de Riwayah[1] de Dirayah[2] et la science d’Ar-Rijāl[3] ainsi que les méthodes de narration des Hadiths,  la connaissance des chaînes de référence et autres»[5]. Le terme Tahdith fait ainsi référence à l’enseignement du Fiqh et des sciences de Hadith.

Il est établit que les femmes des compagnes et des successeurs de la première génération musulmane, parmi lesquelles se trouvent les Mères des croyants (épouses du prophète ﷺ), ont joué un rôle central dans la préservation et la narration des hadiths prophétiques. En fait, les livres de références islamiques ont enregistré un certain nombre de chaînes de narration (Asānid) comprenant des femmes comme le livre d’Al- Tabaqât Al-Koubra d’Ibn Sa’d dans lequel il a mentionné plus de 700 femmes qui ont rapporté les hadiths du Prophète ou de ses compagnons, et, à partir d’elles, les hauts savants et imams musulmans les ont retransmis. De plus, Ibn Hajar, dans son livre Al-Issābah Fī Tamyīez As-Sahābah (L’objectif en matière de distinction des compagnons) a transmis les biographies de 1543 narratrices de hadith[6].

Là, ce qui nous intéresse c’est le développement de cette activité, à travers les générations futures,  du niveau de conservation et de narration au niveau d’études avancées des livres de hadiths et de ses classifications et commentaires.

En fait, ces femmes spécialisées dans le domaine de hadith appartenaient aux classes d’érudits contemporains qui s’intéressaient à cette époque à différentes sciences religieuses. Elles ont également – à travers les cours de mémorisation et d’enseignement – joué un rôle historique dans le processus de transmission et de documentation des connaissances aux générations postérieures.

 Narration de hadiths et essor de l’enseignement

À ses débuts, l’enseignement islamique était oral et officieux, dépendant de la relation directe entre l’éducateur (ou l’enseignant) et l’apprenant. Le processus éducatif a été initié à travers des cercles d’apprentissage à l’intérieur des mosquées ou même dans les rues et les lieux publics des villes centrales; où les auditeurs se réunissaient autour de l’enseignant et mémorisaient ses conférences pour les retransmettre par la suite. Lorsqu’un auditeur (apprenant) sent qu’il a appris toutes les connaissances du Cheikh, il se dirigeait vers un autre pour apprendre d’autres enseignements et ainsi de suite. L’éducateur n’enseignait que ce qu’il a directement entendu ou mémorisé d’un éducateur senior, et de là l’importance des sessions en face-à-face pour acquérir les connaissances. Ces sessions étaient d’une grande valeur pour les historiens musulmans lors de l’évaluation des savants[7].

C’est ainsi qu’à commencer dans les mosquées l’enseignement par narration, transmission et commentaire des hadiths prophétiques au premier siècle hégire. A partir du deuxième siècle, l’enseignement prendra la forme de cercles scientifiques éducatifs à l’intérieur des maisons. Cette relation intime entre l’enseignant et les étudiants qui fréquentaient sa maison représente une caractéristique remarquable de l’éducation islamique précoce, selon de nombreux chercheurs[8].

Un autre développement a accompagné le passage des cercles d’apprentissage de la mosquée à la maison, c’est le début du processus de dictée des sciences et savoirs; c’est-à-dire les rédiger et les transmettre à des fins pédagogiques, ainsi que les commenter et les expliquer par écrit et les rassembler dans des classifications séparées (Moussannafāt). Malgré le large éventail de matières et de sciences, le Hadith et sa narration ont eu «une attention particulière de la part des musulmans… L’enseignant n’oserait pas le raconter comme osait enseigner toute autre matière»[9].

En ce qui concerne le système scolaire en tant qu’institution éducative officielle, ses débuts remontent à la fin du Xe siècle grégorien (IVe hégire) dans la ville de Neyssabure, lorsque les chiites ont fondé des installations pour enseigner et diffuser la doctrine chiite qu’ils ont d’abord appelées “Dar-al-‘Ilm” (La maison du savoir). Et ils ont été les premiers à utiliser, par la suite, le nom de “Madrassah” (école) en créant des écoles comme Al-Bayhaqiah, Sai’diah, Aby Saïd Al-Astorlabi et Aby Ishaq Al-Asfarani,… jusqu’à l’arrivée des Seldjoukides et leur célèbre ministre Nizām al-Moulk qui a développé ces installations en créant la fondation An-Nizamiyeh, une célèbre école à Bagdad (1064 après JC), pour combattre la pensée chiite et soutenir les sunnites. Depuis lors, les écoles dans tout le monde islamique se sont développées pour devenir un établissement d’enseignement officiel complet allouant les salaires aux enseignants, et formant des futurs employés diplômés dans le domaine de la gestion et de la justice. En d’autres termes, ces écoles sont devenues des établissements publics sous tutelle de l’État; y compris ses programmes et ses enseignants. Et similaire au projet de Nizām al-Moulk en Iran et au sud de Bagdad, il y avait le projet d’Atabeg à Mossoul et à Damas et celui de Salāh ad-Dīn en Egypte[10].

Malgré la multiplication de ces écoles, les mosquées et les maisons d’érudits ont  continué à être les endroits préférés pour acquérir l’enseignement supérieur et les sciences avancées. En effet, l’instruction dans les maisons était une sorte d’enseignement libre non limitée à une certaine école de pensée ou à une vision politique quelconque et n’était surtout pas soumise à la surveillance et au contrôle de l’État sur ses programmes. En effet, «l’élève ou son tuteur avait le droit de choisir les sciences qui lui conviennent, ainsi que l’enseignant…réputé par ses connaissances et sa moralité»[11]. Cela signifie, selon Dr. Zainab Muhammad Farid, que la participation des femmes à l’enseignement et leur contribution dans ce domaine difficile prouvent leur haut niveau de culture, leur confiance en elles et leur  qualification scientifique élevée[12]. Animer des cercles d’apprentissage n’était pas un jeu d’enfant «en raison du grand nombre de questions posées par les élèves… Et si l’enseignant parvenait à trouver des réponses convaincantes pour son audience, il pourrait continuer son travail dans le domaine de l’enseignement. Mais s’il échouait, il devrait retourner au poste d’étudiant pour acquérir plus de connaissances dans les cercles d’apprentissage des cheikhs »[13].

Ainsi, les Mouhaddithāt musulmanes ont également été soumises à ces normes élevées et à la sélection rigoureuse dans ce domaine. En plus, la plupart de ces Mouhaddithāt ont été élevées dans un environnement scientifique particulier vu que leur père, leur mari ou l’un des membres de la famille soit un érudit ou un juriste célèbre, ce qui les a incité à acquérir les connaissances avancées dans les études religieuses et culturelles supérieures, ou par l’intermédiaire d’un éducateur privé. Ce système d’enseignement à domicile a pu former un groupe d’élite de femmes bien cultivées dans la société musulmane en présentant les Mouhaddithāt comme modèle possédant l’enseignement supérieur islamique et ses spécialisations, puisque le Hadith était la source la plus large de la législation concernant les actes de culte et les questions civiles et pénales. En conséquence, cela signifie qu’elles étaient des narratrices d’histoire, de récits, de proverbes, de principes moraux et philosophiques, expertes en législation et dans la plupart des dispositions de la charia islamique[14].

Nous devons noter ici que le champ d’étude du “hadith” a été élargi pour inclure l’enseignement des principes et règles jurisprudentiels déduits du hadith. Cela signifie, d’après plusieurs chercheurs, que les femmes musulmanes ont joué un rôle important dans l’établissement de l’héritage jurisprudentiel et scientifique[15].

De plus, on constate que les femmes se sont distinguées dans ce domaine et ont acquis une grande réputation notamment pour la brièveté de leur “Isnād” (chaîne de narration), qui est l’un des éléments importants de la science du hadith. Cela signifie qu’une telle Mouhaddithah était la seule responsable pour transmettre ou enseigner une collection de certains Hadiths ou parties de livres, selon la méthode d'”audition directe” d’une cheikha ou d’un cheikh senior spécialisés dans cette collection ou ce livre concerné. Grâce à cela, la Mouhaddithah avait, la plupart du temps, le privilège d’avoir son propre “Machiakha“: c’est-à-dire une liste des noms de cheikhs et érudits sous l’égide desquels elle a reçu des connaissances (en sciences et hadiths) et les a transmis directement. Autrement dit, la Mouhaddithah était considérée parmi les principales sources référentielles authentiques acceptées et approuvées par les milieux scientifiques; ce qui représente, pour elle, un document certifiant ses réalisations et ses expériences d’experte intellectuelle.

Approche pédagogique

Il existait quatre étapes ou approches pédagogiques suivies dans les cercles d’apprentissage. Premièrement, l’enseignante (ou l’enseignant) lit à ses élèves, soit à partir du manuel original, soit de sa propre mémoire, un texte qui sera suivi de commentaires et d’explications de la part de la Mouhaddith; cette démarche est appelée “Audition“.

Deuxièmement, dans le but d’être corrigé, l’élève lit le même texte à son professeur, soit à partir du manuel, soit à partir de ce qu’il a mémorisé, en présence d’autres élèves du même cercle, ce qui est appelé “Récitation“.

Troisièmement, l’enseignant pourrait permettre à l’élève de copier de son livre ou du manuel original.

Quatrièmement, le Mouhaddith accorde une “Ijāzah” (permis) accrédité à l’étudiant, qui est similaire au certificat académique, prouvant qu’il a terminé avec succès l’étude de ces matières ou de ces livres, sous sa direction. Il s’agit en fait d’une licence lui permettant d’enseigner ces sciences, ce qui garantit une transmission de textes avec authenticité et exactitude[16].

Parmi les conditions juridiques de base qui déterminent l’authenticité de cet “Ijāzah“, la connaissance parfaite du sujet de la part de l’enseignant et sa réputation en tant que spécialiste crédible. L’Ijazah sera accordée pour la récitation d’un livre spécifique, ou de plusieurs livres, qui doivent être mentionnés dans le certificat, ou bien de tout le répertoire que l’étudiant a reçu de son enseignant. En fait, on l’appelait aussi “Ijāzah par audition” sur lequel doit figurer le nom de l’enseignant (l’auteur du livre lui-même ou un Mouhaddith/Mouhaddithah, spécialiste et qualifié(e) pour l’enseigner) et le nom du “récitant” qui est l’étudiant certifié. “L’Ijāzah” est délivré en présence des autres auditeurs et de l’auteur ou du Mouhaddith[17].

Ce que nous trouvons dans les biographies des savants de hadith, comme expressions: «Elle lui a été récitée par un tel…», se réfèrent à la récitation de mémoire d’un disciple de ce qu’il a appris et mémorisé de la Mouhaddithah pour être évalué, ou ce qu’il a appris des textes sous sa direction.

Il convient de souligner qu’Ibn Hajar, l’auteur d'”Ad-Dourar al-kāminah”, a reçu des enseignements de 53 Mouhaddithahs, et ‘As-Sakhāwī, l’auteur d'”Ad-Daw’ al-lami'”, a reçu des certificats d’études de 68 Mouhaddithahs.

Ainsi, nous pouvons dire que la mémoire était à la base de ce processus éducatif qui reposait sur le mécanisme de l’audition, de la répétition et de la mémorisation pour confirmer et transmettre correctement les informations. Cette phase première était nécessaire et importante, mais par la suite, et avec l’élaboration du programme éducatif, la différence apparaît entre “Riwayah“: narration dépendant de la mémoire uniquement, et “Dirayah“: compréhension et analyse du Hadith afin de l’utiliser comme base des décisions et du Fiqh jurisprudentiels.

Pour Georges al-Makdisi, “Dirayah” est la base de la science d’Usul al-Fiqh, qui était nommée à ses débuts “la science de Dirayah“. Cette différence apparaît surtout dans les biographies des Mouhaddithin et des Mouhaddithāt qui ont été mentionnés selon leur connaissance du Hadith; si la personne biographiée est basée uniquement sur “Riwayah” ou sur “Riwayah et Dirayah” en même temps[18].

D’autre part, Jonathan Berkey, en évoquant l’importance de la mémoire comme outil pédagogique dans le domaine de la science du hadith, en particulier pour les Mouhaddithāt, a supposé que les femmes n’ont adopté que cet outil dans l’enseignement sans faire recours à d’autres outils ou méthodes tels que “Mounazara” (s’engager dans des débats) ou organiser des discussions argumentatives pour réfuter les points de vue et régler les différends. Cela a entravé l’apparition des potentiels analytiques et intellectuels des femmes[19], en s’appuyant sur la non habilité des femmes à accéder aux postes officiels dans les fondations éducatives telles que les écoles. Ainsi, il a conclu que leur enseignement dans les cercles à la maison ou à la mosquée n’incluait pas de dialogues ou de discussions intellectuels nécessitant des compétences mentales et de “Dirayah” à côté de la précision du “Riwayah“.

Nous nous rendrons compte, à partir des exemples mentionnés ici, qu’il s’agit d’une erreur et que la conclusion selon laquelle les Mouhaddithāt n’étaient pas en mesure de gérer les discussions scientifiques lors des cercles de “Tahdith” (cercles d’apprentissage des hadiths) est absolument fausse. Au contraire, les biographies font référence à leur participation dans ce domaine, et probablement, dans une atmosphère plus impartiale et naturelle, car cela n’a été affecté par aucune finalité ou pression politique et sectaire, qui, comme nous l’avons vu, contrôlaient l’établissement des écoles, l’embauche des juristes et l’élaboration des programmes d’études.

Ainsi, nous voudrions citer ici Sheikha Shouhdah bint Ahmad bin Al-Faraj, connue sous le nom de “Fakhr an-Nisaa[4] (décédée en 1178 après JC), qui a enseigné à une large foule d’étudiants dans la mosquée de Bagdad. Selon Ibn Khallikan, «Shouhdah faisait partie des érudits religieux. Elle avait une belle écriture et elle a été “récitée” par un grand nombre de personnes, car elle était connue pour son haut degré d’audition; encourageant la fréquentation des gens ordinaires ainsi que des personnalités éminentes… et elle jouissait d’une très bonne renommée qui n’était pas seulement au niveau local»[20].

Cela signifie que certaines Mouhaddithāt ont travaillé au sein des mosquées et ont donné des conférences devant une foule beaucoup plus grande que celle présente dans les maisons. Alors, il est irrationnel d’atteindre un tel niveau de notoriété et d’être recherché par des gens ordinaires comme des personnalités éminentes sans avoir une compétence intellectuelle remarquable et un grand potentiel d’analyse dans son domaine.

Caractère d’une Mouhaddithah

Le moyen le plus important pour connaître cette catégorie de femmes musulmanes serait via les dictionnaires biographiques ainsi que les biographies de personnalités qui jouaient un rôle pratique et technique dans le cadre juridique et intellectuel de la société musulmane Hadari (citadine). L’objectif principal du biographe classique était de fournir aux érudits religieux les informations nécessaires afin de maintenir la droiture et l’honnêteté requises dans la transmission des décisions juridiques et patrimoniales. Pour atteindre cet objectif, les biographes devaient fournir quelques informations sur les caractéristiques et qualités scientifiques de la personne biographiée, de ses parcours dans la quête du savoir, ainsi que de sa vie privée et de son caractère[21].

A la lecture de ces deux références: Ad-Dourar Al-Kāminah fī a’yān al-mi’a at- thāmina (Les Perles cachées chez les notables du huitième siècle) d’Ibn Hajar al-‘Asqalānī, et la douzième partie d’Ad-Daw’ Al-Lami’ li Ahl Al-Qarn At-Tāse’” (La Lumière brillante des gens du neuvième siècle) de Mohammad As-Sakhāwī, on trouve des biographies de personnalités éminentes, d’érudits religieux, de juristes et d’érudits de hadiths au cours des XIVe et XVe siècles grégorien.

Nous nous concentrerons sur la description de Mouhaddithāt et d’autres érudites religieuses enregistrées dans ces dictionnaires. Bien qu’elle soit mentionnée brièvement dans celui d’Ibn Hajar, la répétition de certaines d’entre elles nous aide à distinguer quelques traits relatifs aux personnages, à la contribution et aux images de Mouhaddithāt tels que transmis et enregistrés par les deux historiens.

Par exemple, « As-Sakhāwī, dans Ad-Daw’ Al-Lami’, suit une approche critique dans l’analyse des caractères afin de pouvoir les placer équitablement dans leur position appropriée, en suivant ainsi les traces de son maître Ibn Hajar. Son volume dédié aux femmes, similaire à ceux dédiés aux hommes, comprend une large section épisodique marquant l’historicité des classes sociales moyennes et élevées dans des villes comme Le Caire, La Mecque, la Médine et les territoires du Levant et même du Yémen »[22].

En général, nous trouverons que la plupart des caractéristiques mentionnées font partie de la déontologie professionnelle de l’enseignant et des principes spécifiques à son statut et à sa relation avec ses étudiants, comme c’était le cas dans la société musulmane à cette époque.

La première chose que nous remarquons dans les commentaires répétés d’Ibn Hajar et d’As-Sakhāwī à propos des Mouhaddithāt, en louant leurs connaissances et leur manière d’enseigner, est la description affirmant que telle ou telle était perspicace et rationnelleou était sagace et saine d’esprit et elle enseignait professionnellement le Fiqh et ainsi de suite…

A travers Ad-Daw’ Al-Lami’, nous lisons à propos de beaucoup d’entre elles: comme Khadija bint Al-Ashraf Sha’ban ibn Husayn (décédée en 1422 après JC) qui était perspicace et leadership[23].

Et Khadija bint Al-Wajeeh Abdul-Rahman bin Abdallah bin Fahd, de la Mecque (1385-1455) qui a transmis le hadith à de nombreux pieux, et elle était «de haut niveau de connaissance, de compétence et de manières courtoises» (P. 28).

 Et aussi Zainab bint An-Nour Ali bin Ash-Shehab Ahmad bin Khold (décédée en 1486 après JC) qui était « rationnelle, talentueuse, courtoise, patiente et résignée» (P. 43).

Puis, Zainab, la fille du juge Al-Kamel Aby Al-Fadl Mohamed bin Abdel Aziz (1393-1420) qui était «une femme leadership rationnelle qui récitait le Coran et abordait de beaux récits et poèmes dans ses discussions… et elle gérait les dotations de sa mère» (P. 46).

Quant à Sārah bint Omar bin Abdul Aziz bin Ali bin Jamā’h bin Sakhr (1308-1451), elle «a raconté de nombreux hadiths et certains Imams renommés avaient fait partie de son auditoire dont As-Sakhāwī, lui-même, qui en a reçu ce qui est au-delà de toute description. Elle était pieuse… avec perspicacité et politesse… Après sa mort le niveau de narration du hadith a régressé chez les Égyptiens» (P. 52).

Et Sarah bint Ash-Sharaf Mohamed bin Ali bin Yousouf la Damascène (décédée en 1457) était également «parmi les femmes leaders de son temps. Elle était connue pour sa perspicacité, sa piété, et son authenticité» (P. 53).

Aussi Safiyyah bint Mohammad bin Ali bin Omar Al-Kaylānī la Mecquoise (morte en 1483) était «leader talentueuse perspicace et était bien connue pour sa sagesse et sa beauté» (P. 71).

Puis, Aïcha bint Ali bin Mohammad bin Ibrahim bin Nassrallah bin Ahmad, Cairote hanbalite (1436-1359), était un calligraphe habile et une Mouhaddithah bien connue où «des imams étudièrent dans son cercle» et «des étudiants racontèrent de nombreux hadiths sous son autorité». «C’était aussi une femme philanthropique et juste qui avait une belle main et un bon niveau de compréhension… Elle était d’une intelligence inouïe et capable d’évoquer la biographie prophétique en se rappelant des moindres détails des batailles, connaissant par cœur Al-Ghailāniyāt[5] et d’autres hadiths prophétiques et mémorisant beaucoup de poèmes… Elle mémorisait si rapidement qu’elle avait mémorisé cinq vers poétiques qu’elle a entendus de la première fois, d’après ce qu’elle a dit… Elle était ingénieuse et lisait et comprenait attentivement  les livres du Fiqh». Elle a visité la Palestine et y a également raconté les hadiths prophétiques, et de nombreuses personnalités éminentes ont raconté des hadiths sous son autorité (P. 78).

Enfin, les deux Fatima, celle bint Al-Bourhan Ibrahim bin Ali bin Aby Al-Barkat bin Dhahirah de La Mecque (1466-1491) et Fatima bint Ibrahim bin Omar bin Mohammad Az-Zar’y (décédée en 1484), étaient connues pour leur rationalité, leur bienfaisance et leur courtoisie (P. 86).

En conséquence, la Mouhaddithah éminente qui a eu une brillante réussite n’était pas seulement connue pour sa bonne mémorisation et sa narration de l’héritage avec précision, mais aussi pour ses connaissances approfondies, son enseignement et son rôle dans la transmission du savoir. Nous avons trouvé de nombreuses Mouhaddithāt qui ont obtenu le titre de Cheikhah, et selon Tritton, ce titre était utilisé pour désigner surtout une Mouhaddithah ou une érudite religieuse appartenant à l’école hanbalite[24]. On remarque aussi quelques-unes qui ont eu des appellations comme chef des ministres ou chef des juristes ou encore chef des juges et ainsi de suite.

Le livre deAd-Dourar Al-Kāminah évoque le nom de Fatima bint A’iāsh bany Aby Al-Fath, de Baghdad (décédée en 1314), qui «avait une grande connaissance en Fiqh, et a été louée par Ibn Taymiyyah qui était étonné de sa précaution vigilante et de son intelligence. Les Femmes de Damas ont profité de son savoir au vu de sa véridicité dans la prédication et de sa conviction. Elle s’est rendue au Caire, par la suite, et a eu une grande influence également où elle a pu acquérir une grande estime à large échelle. À souligner que cette cheikha avait reçu des connaissances des cheikhs d’Al-Maqdis comme le cheikh Ibn Omar et d’autres»[25].

Il semble que beaucoup de ces femmes ont voyagé à travers les pays islamiques en raison de leur grande réputation, comme Zainab bint Ahmad bin Omar bin Shukr Al-Maqdisiyah (d. 1322), qui a raconté le hadith prophétique à Damas, en Égypte et à Jérusalem (P. 118). Ainsi que “le chef des ministres, la fille d’Omar bin Al-Mounajja, la Damascène (1226-1319), qui a été invitée en Egypte pour enseigner le Hadith prophétique en raison de sa grande renommée (P. 129). De plus, Om Hāne’, la fille du grand savant Nour Ad-Din Aby Al-Hasan Ali bin Abdel Malek, l’Égyptienne Shaféite (1376-1466) qui était dotée d’un grand savoir comme mentionné en détail par M. As-Sakhāwī dans Ad-Daw’ Al-Lami’: «Elle était éloquente, avait une belle écriture et une grande connaissance de la composition poétique. Durant son enfance, elle a mémorisé le Coran et appris par cœur Moukhtassar Aby Shoujā’ et Mulhatou al-I’rāb[6] et bien d’autres. Nous avons entendu, sa récitation éloquente et parfaite de la sourate As-Saff» (P. 157).

A propos de Noudār bint Mohammad bin Youssouf la mère d’Ezz, la fille de Cheikh Aby Hayyān, (1302-1329), Ibn Hajar a dit d’elle, dans Ad-Dourar: «elle a étudié le hadith et la grammaire arabe, elle composait des poèmes et était bonne en I’rāb, Son père disait:Je souhaite que son frère Hayyān soit comme elle. Elle était également une écrivaine éloquente, et dépassait beaucoup d’hommes quant au culte et Fiqh, elle était aussi d’une douceur et beauté parfaite» (P. 395).

Tous ces indices font référence au lien étroit entre la science du hadith et le Fiqh ou Usul al-Dine dans le domaine de l’enseignement.

 Nous pouvons maintenant conclure que le travail des Mouhaddithāt n’a pas seulement aidé les étudiants à mémoriser des textes, mais aussi à bien comprendre  les sciences religieuses, et à étudier en profondeur leurs principes. Ce sont des conditions de base dans le processus d’enseignement et d’apprentissage mentionnées par Burhan al-den Az-Zarnuji, qui a vécu à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle grégorien et a laissé son chef-d’œuvre Ta’līm al-Mouta’allim- Tarīq at-Ta’-alloum[7] (1203 après JC). C’est un document célèbre et l’un des écrits les plus importants qui nous soient parvenus dans ce domaine. L’auteur y fixe les principes d’éducation et d’enseignement dans la culture islamique et les éthiques de la pédagogie culturelle et scientifique telles qu’appliquées par la société musulmane à cette époque. A travers ce document, on  découvre l’image de l’enseignant idéal (homme ou femme), selon leur point de vue, ainsi que son statut et surtout la nature de sa relation avec ses étudiants. Par conséquent, nous pouvons déceler des détails sur le caractère de ces Mouhaddithāt qui ont acquis une grande réputation et ont attiré de nombreux étudiants. Si Az-Zarnuji affirme que c’est une nécessité pour l’étudiant de bien choisir son professeur en s’assurant qu’il/elle est «le plus informé, le plus pieux et le plus éloquent»[26], cela signifie que «toutes ces qualités existent chez les Mouhaddithāt qui ont été choisies par les étudiants et les Imams». En fait, le plus informé désigne ici celui qui est érudit en Fiqh et a “des connaissances en détail des problèmes importants et profonds (P. 13). Alors que le plus éloquent désigne celui dont le discours est le plus raffiné dans l’explication et le commentaire, tandis que le plus pieux est celui qui a de la piété et de la foi, ce qui reflète l’importance de la bonne moralité d’un enseignant. D’où apparaît l’intérêt d’As-Sakhāwī à attribuer aux Mouhaddithāt, à travers ses biographies, des qualités comme piété, vertu, bienveillance, droiture et foi…

Par exemple, il a eu des descriptions comme: «Elle était une philanthrope, bénie et pieuse qui a consacré sa vie au culte et au jeûne, et elle a accompli le Ṭawaf et la Omra» (visite de la Mecque et de la Médine en dehors du temps de pèlerinage) (P.40).

Ou encore: «Elle était une vraie religieuse, généreuse, souhaitant le bien aux gens et dont la supplication était exaucée» (P. 11).

– «Elle était une philanthrope, chaste et elle aidait les pauvres et les veuves…» (P.28),

– «C’était une écrivaine qui a récité le Coran, étudié des ouvrages de référence et consacré sa vie à des actes d’adoration et de philanthropie…» (P. 39).

De plus, Khadija bint Ali bin Omar bin Aby Al-Hasan Al-Ansari (1386-1468) a transmis son savoir à de nombreux pieux et cheikhs. «Pendant son enfance, elle a étudié le Coran et d’autres sciences et a appris la calligraphie. Elle avait également l’habitude de lire et était experte en calligraphie pouvant distinguer entre les différents styles… et elle a atteint un niveau élevé de bonté, de piété et elle faisait les prières prescrites et celles de la nuit aussi» (P. 29). Et les exemples sur les descriptions de Mouhaddithāt n’en finissent pas. Ainsi, des qualités comme droiture et moralité deviennent des éléments de base pour la confiance des étudiants en leurs éducateurs.

Dans la distinction d’Az-Zarnuji entre la valeur de mémorisation et celle de compréhension, on entrevoit l’objectif attendu de l’enseignement et son rôle dans la compréhension, et non pas seulement la mémorisation: «Mémoriser deux mots vaut mieux qu’écouter deux tas de livres, et comprendre deux mots vaut mieux que mémoriser deux tas de livres» (P. 39).

Nous avons vu dans les exemples précédents l’insistance sur les facultés intellectuelles, la gestion et la compréhension des Mouhaddithāt qualifiées. Ces caractéristiques sont, selon les biographies d’As-Sakhāwī et d’Ibn Hajar, liées à la renommée et à la réputation intellectuelle de la Mouhaddithah, surtout si elle a l’exclusivité en se spécialisant dans certains livres; ce qui signifie qu’elle devient la seule source authentique disponible de ces livres ou sciences, exactement comme elle les a reçues de ses cheikhs auparavant. Par exemple, Aïcha bint Mohammad bin Abdul Hady bin Qudama bin Meqdam (1323 – 1413) de Damas, «a dépassé ses cheikhs au niveau de l’audition et d’Ijazah à tous les horizons. Elle a également rapporté de nombreux hadiths et transmis ses connaissances aux Imams, en particulier ceux voyageurs… tout en étant la dernière à transmettre les hadiths d’Al-Boukhari avec une très forte audition» (As-Sakhāwī P. 81).

De plus, Hajar bint Mohammad bin Ibrahim bin Ali bin Aby At-Ta’ah, avait le plus haut Isnādparmi les Égyptiens. Elle gagnait sa vie en enseignant (P. 131).

Les Mouhaddithāt ont établi donc des réputations indépendantes et distinguées dans l’Isnād, la transmission et l’éducation. C’était dans la mesure où quelqu’un comme Alif, la fille du juge Alam Ad-Din Saleh bin Omar Al-Balqini, qui  organisait chez elle des conseils scientifiques; «Elle a assigné la récitation de hadiths et de Tafsir (Exégèse) aux cheikhs lecteurs qu’elle a nommés, et parmi eux se trouvaient Ibrahim Al-Hamwi, Al-Fakhr Al-Dimi, Al-Belbisi, Ibn Khalil Al-Houssaini et d’autres…» (P. 8). Elle a aussi créé et géré une école où elle a procédé à l’affectation des récitants à temps plein. Elle a également soutenu les pauvres et les veuves, « jusqu’à ce qu’elle soit devenue distinguée parmi ses parents et ses collègues».

De plus, certaines femmes se sont fait connaître comme sources scientifiques ou culturelles par leur composition de livres ou de poèmes, d’écrits ou de correspondances, comme Aïcha, l’érudite Cairote hanbalite, mentionnée auparavant, pour laquelle le cheikh Az-Zaini Ridhwan a rédigé un livre comprenant les thèmes de sa spécialité. Idem pour As-Sakhāwī, lui-même, qui a également compilé un lexique en un seul volume pour la Cairote Mariam bint Ahmad bin le Juge Shams ad-Din (1319-1402) (P. 124). Ensuite, Noudār bint Cheikh Aby Hayyān, déjà mentionnée, et décrite par Ibn Hajar en tant que savante en hadith et en grammaire, «elle a rédigé pour elle-même un volume et a composé des poèmes».

Quant à Habibatoullah bint As-Safi’ Abdul-Rahman bin Abdullah (1414-1489) «avait des adeptes parmi ses proches et d’autres, et beaucoup de gens avaient grande confiance en elle…» (P. 19). Cela signifie qu’elle représentait une idéologie éducative particulière. Malheureusement, ces héritages écrits, mentionnés dans les biographies de certains Mouhaddithāt, ne nous sont pas parvenus et nous n’en avons toujours, à notre connaissance, aucune idée, ni même de leurs titres.

Il convient également de noter que beaucoup de Mouhaddithāt étaient d’excellents calligraphes et se sont fait connaître par leur belle écriture, comme Khadija bint Aby Al-Hasan Al-Ansarī, mentionnée précédemment, à propos de laquelle As-Sakhāwī a dit qu’elle «était une experte en calligraphies et capable de discerner ses différents styles» (P. 29). De plus, certaines d’entre elles ont eu des contacts avec des Mouhaddithin et savants contemporains par correspondances en échangeant des poèmes, des narrations de hadiths, des informations, des points de vue et en posant, les uns aux autres, des questions concernant des problèmes religieux et terrestres. As-Sakhāwī a évoqué ses contacts avec quelques Mouhaddithāt. Il y en avait une qu’il connaissait personnellement et qui lui envoyait constamment des correspondances (P. 13), tandis qu’une autre lui envoyait des lettres lui demandant conseil et supplication (P. 33).

De plus, la Cairote Fatima bint le juge Kamal Ad-Din Mahmoud, (Née en 1451), était une Mouhaddithah et savante distinguée qui avait une relation de camaraderie unique avec As-Sakhāwī. Ils échangeaient de nombreuses lettres contenant de longs poèmes. Elle interrogeait As-Sakhāwī sur des questions liées à certaines dispositions de la charia et Hadith et lui envoyait également ses opinions et commentaires sur certains événements. Dans sa biographie, As-Sakhāwī lui a consacré environ six pages dans son livre (107 à 112) comprenant de nombreux vers adressés à lui personnellement (cependant, il se contentait parfois de mentionner les deux premiers vers de ses poèmes introuvables). As-Sakhāwī a également fait louange à «son excellente composition poétique, son intelligence et son charisme qui la distinguaient…». Une fois, pour le réconforter à la mort de ses deux frères, elle lui envoya ses condoléances en un poème de 31 vers, dans lequel il y avait deux vers louant l’honneur du métier de Tahdith et le statut particulier du Mouhaddith, les voici:

علوم حديث في الوجود بحكمة

نعم هي أهل للجناب الذي له

فروى حديثًا صادقًا عن نبوة

ومن خصه الله العظيم بفضله

Oui, sa vocation lui confère une position sublime, en maîtrisant

Les sciences de Hadith, qui existaient grâce à la Sagesse Divine,

Et celui qu’Allah Tout-Puissant choisit pour Son don spécifique,

Devra transmettre à l’authentique le hadith Prophétique.

Il est évident qu’elle avait un fort caractère et une confiance en elle. Un jour, elle lui envoya une lettre exprimant son opinion quant aux rumeurs qui courent sur elle ou sur lui en lui citant le célèbre vers suivant:

إنْ خاض بعض الكلاب فيه

ما ضر بحر الفرات يومًا

La traversée de certains chiens dans l’Euphrate,

N’a jamais assombri cette mer étincelante.

De plus, après la mort de sa fille, As-Sakhāwī lui envoya une élégie intitulée  Irtiah Al-Akbād (Le soulagement des cœurs). Elle lui répondit par un poème commentant sa lettre et exprimant sa gratitude envers lui. Cependant, elle avait une opinion différente concernant la question du chagrin face aux malheurs et la capacité de la nature humaine à endurer les souffrances, ainsi que son avis sur la notion de la patience. Elle lui demanda également son avis sur certains vers composés par un autre poète parlant de constance face à l’adversité et au malheur. As-Sakhāwī lui renvoya sa réponse incluant son explication et son commentaire, et présentant aussi son évaluation personnelle ainsi qu’une analyse critique du poème en fonction d’un point de vue religieux utilisant son héritage en hadith.

Après cela, elle lui adressa un autre poème de 19 vers lui demandant son verdict sur une question autour de la Omra, parmi lesquels :

ومن حوى في فيه در نظيم

أسألك يا شيخ شيوخ النهى

أمل صارت به في حميم

فيمن أتاها عائق عاقها عن

مقام زمزم والحطيم

قيامها إذ ذاك یاسیدي بين

فيها كل أمر حكيم

في ليلة أخبرنا أنها يفرق

هل يساوي مقعدًا مستقیم

وهل لها أجر الذي قامها

Ô cheikh savant et rationnel! qui prononce des mots comme des perles,

Puis-je te demander, pour celle qui, vu un empêchement, n’a pu exaucer

Son vœu sublime; faire la prière de Tahajjud, entre Zamzam et Hatîm,

Lors d’une nuit sacrée où chaque acte est sagement discerné.

Reçoit-elle une récompense comme celui qui l’a accompli?

De plus, elle le félicitait d’”avoir une bonne mémorisation dans la narration d’anciens hadiths” et qu’il ne rapportait que “ceux authentiques et pas les faibles“. Encore une fois, on devine de ses propos la grande estime réservée habituellement aux spécialistes des sciences de hadith, et la grande responsabilité qu’ils sont supposés assumer. As-Sakhāwī lui a répondu en effet par des verdicts détaillés appuyés par des textes de hadiths.

Elle avait aussi l’habitude de composer des énigmes en poésie et les envoyer à As-Sakhāwī et à d’autres cheikhs comme à Ash-Shehab Ahmad bin Sahsāh Al-Fayomy Al-Khānky pour les résoudre. Ce dernier lui envoyait, en vers, les solutions à ces énigmes. En plus, As-Sakhāwī a mentionné qu’elle avait eu des “Moutaraha” (échange d’opinions) avec Ash-Shehab Al-Harfoush Al-Hāny et Ali bin Naser et d’autres. Nous expliquerons plus tard la signification de “Moutaraha“.

Parmi les qualités essentielles de la Mouhaddithah, selon Ibn Hajar et As-Sakhāwī, se trouvent le fort caractère, le charisme, la grandeur et la solennité, comme en témoignent les références répétées selon lesquelles telle ou telle était un “chef“, “manager“, “dignitaire“, “leadership“, “notable“, et ainsi de suite… Il y a beaucoup de Mouhaddithāt qui avaient ces attributs spécifiques, mais il est difficile ici de les recenser toutes, mais ce qui nous importe sont les connotations de ces traits qui indique la bonne gestion du cercle de l’auditoire, la vigilance et l’imposition du respect et l’estime aux étudiants. À cet égard, Georges Makdisi précise que le concept de “leader” fait référence à l’excellence et à l’unicité du savant, homme ou femme, dans son domaine en atteignant la place de “leader scientifique”. Normalement, cela  se réalise lorsqu’il n’y a pas d’autres concurrents dans l’arène, ou si le Mouhaddith/Mouhaddithah surpasse d’autres savants dans un débat[27].

D’un autre côté, Az-Zarnujī affirme également que ces “traits modèles” sont nécessaires pour glorifier les gens du savoir. Il dit: «L’apprenant devrait recevoir le savoir et la sagesse avec exaltation et sainteté, même s’il a écouté la leçon ou le même mot des milliers de fois» (P. 25). De plus, par respect à l’éducateur,  L’apprenant doit: «ne pas marcher devant lui, s’asseoir à sa place, parler sans sa permission et ne rien dire en cas d’ennui. Il doit aussi tenir compte du temps et éviter de frapper à sa porte mais d’attendre qu’il sorte» (P. 22). Il est normal donc que les Mouhaddithāt aient un le même niveau de respect et d’honneur et qu’elles soient traitées de la même manière «Le chercheur ne doit pas s’asseoir près de l’enseignant au moment de la mémorisation sans qu’il soit nécessaire, et il doit laisser au moins une distance de longueur d’arc entre lui et l’enseignant, ce qui reflète sa glorification» (P. 26). En fait, cette distance s’appliquait à la fois aux hommes et aux femmes savants. Par exemple, la Mouhaddithah Nashwan, la fille d’Al-Gamal Abdullah bin Al ‘Alaa, (décédée au Caire en 1475), a atteint un rang élevé et  «a gagné le respect des autres leaders en raison de ses connaissances en religion et en gestion, de sa rationalité et de sa persévérance imbattable, de sa générosité et d’autres bonnes manières… À titre d’exemple, Al-Ezz Al-Kenany, le juge des Hanbalites, ne se mettait debout à aucune des femmes entrant chez lui sauf à elle. De plus, ses étudiants saluaient son affection et sa patience envers eux» (As-Sakhāwī, P. 130).

Jonathan Berkey trouve que la rareté des facteurs d’”accompagnement” et de “camaraderie” dans les biographies de Mouhaddithāt, comme principe fondamental dans la relation pédagogique étroite entre l’apprenant et l’enseignant, prouve la nature différente du processus éducatif chez les enseignantes, et ce qui pourrait être la raison de sa déficience»[28]. Et si le système moral et social islamique ne permettait pas une telle “camaraderie” entre femmes et hommes, il n’entravait pas pour autant le partage des connaissances et n’empêchait pas les femmes de devenir “leaders”. Ainsi, la “relation de force” supposée, enseignant-étudiant, qui selon Berkey représentait un dilemme dans le domaine éducatif en raison du déséquilibre provoqué par la suprématie des femmes, dans le domaine intellectuel, sur les hommes, a demeuré une relation normale dans les cercles d’étude dans les maisons et les mosquées. À travers leurs biographies, Ibn Hajar et As-Sakhāwī n’ont ressenti aucun embarras à mentionner le “leadership” d’une Mouhaddithah et à recevoir des connaissances d’elle. En fait, Berkey n’a jamais cité le “voisinage” ou la “proximité” mentionnés parfois par As-Sakhāwī, soulignant à plusieurs reprises qu’il “avoisinait” telle ou telle lors de son pèlerinage ou de la Omra ou lors de son séjour dans un Ribat ou une Zawiya (résidences spéciales et lieux d’apprentissage) à La Mecque.

D’autre part les traits de “notabilité” et “manager” des Mouhaddithāt sont, chez Ibn Hajar et As-Sakhāwī, liés à la gestion des Rabt (résidences spéciales pour veuves, orphelins ou soufis) et à la dépense de leur propre argent pour la construction des mosquées, écoles et zawiyas… Et les cas sont nombreux, mais nous nous référons ici seulement à quelques exemples: Aïcha, la fille d’Ali bin Abdullah Ar-Rifa’y (As-Sakhāwī, P. 77), a établi un Ribat à la Mecque portant son nom en y fondant une maison de dotation avec vue sur la mosquée (al-Haram). En même temps, elle tenait des cercles hebdomadaires de Tasbih et la récitation d’Awrad.

Il y avait aussi : – Shirin, Om An-Naser Faraj bin Barqouq (P. 70) qui a renouvelé un Ribat appelé Al-Khowzi à La Mecque et en a restauré les parties détruites.

Fatima bint Al-Mal Youssouf bin Sinqar (P. 113) qui a aidé des veuves et des pauvres en leur allouant une Zawiya comme résidences et qui est devenue célèbre grâce au titre de Shiekhah qu’elle a obtenu.

Fa’edah, à qui on a également «accordé le titre de Shiekhah en raison de sa gestion de Ribat Ad-Dhahiryiah en bas de la Mecque» (P. 114), ainsi que bien d’autres qui ont participé aux services sociaux.

Il y a lieu de préciser qu’une Mouhaddithah qualifiée doit, pendant ses cours, rester calme et patiente avec les étudiants jusqu’à ce qu’ils mémorisent, comprennent et saisissent profondément ce qu’elle leur a transmis, car ce processus nécessite une répétition dans l’explication et l’audition, et une persévérance dans la correction des erreurs. Ainsi, certaines Mouhaddithāt qualifiées ont acquis, dans ce domaine, une expérience et une renommée. Voici par exemple, une d’elles «qui a été félicitée par ses étudiants pour son affection et sa patience envers eux». (As-Sakhāwī, P. 130). Une autre a été félicitée pour sa « sagesse, sa politesse, et a montré de l’affection et de la patience envers ses étudiants pendant l’audition» (P. 25). D’autres qui étaient “les plus recherchées” par les étudiants en raison de leur grande réputation. Selon Ibn Hajar, Zainab bint Ahmad bin Abdul Rahim Al-Maqdesyiah (1248-1339) est l’éminente Mouhaddithah qui «s’est distinguée par ses Ijāzahs, octroyés à un très grand nombre d’apprenants… Elle a également raconté de nombreux hadiths prophétiques et a été la plus recherchée par les étudiants… Elle était d’une moralité éminente et très patiente, dans la mesure où elle permettait aux étudiants de réciter la majeure partie de la journée… elle était satisfaite, chaste, de belle âme et de bonnes manières… Elle ne s’est jamais mariée… et sa mort s’est fait sentir par la régression des gens au niveau du hadith» (P. 177).

Avant de conclure, nous devons examiner la différence entre “Moutaraha“, “Mouthakara” et “Mounazara“. Ce sont trois pratiques reconnues dans le domaine scientifique, et mentionnées par Az-Zarnujī dans son livre en tant qu’éléments de base pratiqués par l’étudiant pendant la leçon.

Premièrement, “Moutaraha” signifie que les étudiants échangent des questions et évoquent des problèmes sous forme d’un dialogue pour échanger leurs points de vue en soulevant et en répondant aux questions posées.

Deuxièmement, “Mouthakara” est une discussion et une réfutation dépendant d’arguments soutenus par des raisonnements et des preuves scientifiques pour soutenir ou réfuter une explication spécifique.

Troisièmement, “Mounazara” est également une sorte de débat entre deux parties pour évaluer les différentes opinions et soutenir l’une d’elles.

Dans Ta’līm al-Mouta’allim, Az-Zarnujī précise: «Mounazara et Mouthakara sont une sorte de consultation qui aide à arriver au bon choix. Cela doit être réalisé lentement par la réflexion et l’impartialité pendant la délibération, et non par l’agitation et la colère. Et cela ne doit pas se faire dans l’intention de vaincre l’adversaire en le mettant à quia, ça sera inadmissible, mais seulement dans le but de révéler la vérité» (P. 37). De plus, il a loué l’approche de “Moutaraha” en disant «Moutaraha pour une heure vaut mieux qu’un mois de répétition» (P. 38). Et nous avons cité auparavant Zainab, la fille d’Al-Kamal Aby Al-Fadl, qui avait utilisé la “Mouthakara” dans ses narrations et poèmes, ainsi que la Cairote Fatima bint Kamal Ad-Din Mahmoud qui avait également eu recours à la “Moutaraha” en échangeant des opinions et en engageant des discussions avec certains cheikhs.

Ainsi, nous pouvons conclure que l’activité savante des Mouhaddithāt était caractérisée par toutes les méthodes éducatives applicables à cette époque, que ce soit par le biais des instituts d’enseignement officiels ou des cercles privés dans les maisons ou mosquées. Il est vrai que les femmes n’ont pas accédé aux postes éducatifs ou judiciaires au sein de “l’école”, et nous avons attribué ce fait, comme déjà mentionné, aux pouvoirs politiques et sectaires dominants et contrôlant divers aspects sociaux. Cependant, cela ne veut pas dire que l’on ne puisse considérer l’enseignement privé pratiqué librement par les femmes musulmanes, au sein de leur maison, comme un autre style de l’enseignement officiel, avec sa valeur particulière, sa signification et son ambiance. L’important est d’explorer cette piste marginalisée de l’histoire à côté de celle des juges et juristes des “écoles” pour enrichir notre connaissance et mettre en lumière ce sujet.

*****

Traduit par : Dr. Ayman Anwar Sinan***

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Notes

* Cette recherche est publiée (en arabe) dans le Magazine : Hājar 5- 6. (1998).

** Professeur au Département de langue et littérature anglaises de l’Université du Caire et co-fondatrice du Forum Femmes et Mémoire (FFM).

[1] étude du texte narratif du hadith

[2] étude des chaînes, des conditions, des narrateurs

[3] l’Évaluation biographique

[4] Ce qui signifie “La fierté des femmes

[5] Une collection de hadiths appelée Al-Fawā’id Al-Muntakhabah

[6] Un texte poétique en analyse grammaticale arabe et bien d’autres

[7] L’Instruction de l’étudiant: la méthode d’apprentissage

Références

[1] Eileen Power : “Medieval Women {Les Femmes au Moyen Âge} (Cambridge University Press, 1975), P. 85 – 87.

[2] Philippe Verdier dans Rosemarie Morewedge, éd. : “The Role of Women in the Middle Ages” {Le rôle des femmes au Moyen Âge}, (Albany : State University Press, 1975), p. 133.

Voir également : Rowena Archer dans P. J. P. Goldberg, éd. “Women is a Worthy : Women in English Society, 1200 – 1500” (Royaume-Uni : Alan Sutton, 1992), pp. 151 – 52.

[3] Power P. 82.

[4] Ahmad Shalaby : “تاريخ التربية الإسلامية ” {Histoire de l’éducation islamique}, Beyrouth : Dar Al Kashaf, 1954, P. 321.

[5] Al-Qalqashandi : “صبح الأعشى ” {Subh Al-A’sha}, volume 5, P. 464, extrait de Abdel-Ghani Abdel-Ati, “L’éducation en Egypte à l’époque des Ayyoubides et Mamluks“, Le Caire, Dar Al-Maaref, 1984, P. 320.

[6] Zainab Muhammad Farid : “تعليم المرأة العربية في التراث والمجتمعات المعاصرة ” {L’éducation de la femme arabe, Héritage et sociétés contemporaines}, Le Caire, 1980, P. 9.

[7] A. S. Tritton : “Materials on Muslim Education in the Middle Ages” {Documents sur l’éducation musulmane au Moyen Âge}, Londres : Luzac, 1957, P. 31.

[8] Bayard Doged : “Muslim Education in Medieval Times” {L’éducation musulmane à l’époque médiévale}, Washington, L’Institut du Moyen-Orient, 1962, P. dix.

[9] Ahmed Shalaby, P. 247.

[10] Abdel-Aty, P. 300.

Voir également : Souad Maher, “مساجد مصر وأولياؤها الصالحون ” {Les mosquées d’Égypte et leurs pieux adorateurs}, Le Caire, Le Conseil suprême des affaires islamiques, 1971.

Il comprend une étude complète des différents bâtiments islamiques en Égypte, des mosquées, tombeaux, zawiyas et khanqahs ou les écoles et établissements d’enseignement.

[11] Abdel-Aty, P. 207.

[12] Zainab Muhammad Farid, P. 11.

[13] Ahmed Shalaby, P. 245.

[14] Zainab Farid, P. 14.

[15] Jonathan P. Berkey, “Women and Islamic Education in the Mamluk Period“, inWomen in Middle Eastern History” {Les femmes et l’éducation islamique à l’époque de Mamelouke}, dans {Les femmes dans l’histoire du Moyen-Orient}, éd. Nikki Keddie (New Haven : Yale University Press, 1991), P. 151.

[16] Voir Trition pour ces documents pédagogiques : P.P. 4-44.

[17] George Makdisi : “The Rise of Colleges : Institutions of Learning in Islam and the West”  {L’essor des collèges : Institutions d’apprentissage dans l’Islam et l’Occident}, Édimbourg : Edinburgh University Press, 1981, P. 141.

[18] Makdisi, P. 144.

[19] Berkey, P. 145.

[20] Ibn Khalkan, “وفیات الأعيان ” {Les Morts des notables}, tome 5, P. 56.

Mentionné dans : Zainab Muhammad Farid, “تعليم المرأة العربية ” {L’éducation des femmes arabes}, P. 10.

[21] Voir L’article du Dr. Huda Lutfi montrant une description et une présentation perspicaces sur Mu’jam As-Sakhāwī (Dictionnaire d’As-Sakhāwī) discuté ici.

Huda Lutfi : “Kitab Al-Nisa d’Al-Sakhawi” en tant que source pour l’histoire sociale et économique des femmes musulmanes au XVe siècle après JC ; “Le monde musulman“, LXXI, N°. 2 (1981), P. 106.

Traduit en arabe par Dr. Sumayah Ramadan.

[22] Huda Lutfi, P. 108.

[23] Mohammad As-Sakhāwī : الضوء اللامع لأهل القرن التاسع {La Lumière brillante des gens du IXe siècle}, Partie 12, Le Caire, Bibliothèque Al-Qudsi, 1934, P. 27.

[24] Tritton, P. 42.

[25] Ibn Hajar al-‘Asqalānī : الدرر الكامنة في أعيان المائة الثامنة {Les Perles cachées chez les notables du VIIIe siècle}, Partie 3, Beyrouth, Dar Al-Jeel, 1977, P. 17.

[26] Burhan Al-Din Al-Zarnuji, تعليم المتعلم، طريق التعلم{L’Instruction de l’étudiant : la méthode  d’apprentissage}, Réalisation Abdul Latif Muhammad Al-Abd, Le Caire, Dar Al-Nahda Al-Arabiya, 1977, P. 17.

[27] Makdisi, P. 131.

[28] Berkey, P. 153.

*** Linguiste et traducteur franco-syrien.

عن أيمن أنور سنان

شاهد أيضاً

Al-Muḥaddithāt in the Islamic History

By: Prof. Omaima Abou-Bakr

Translated by: Rehab Jamal Bakri

Did women work during the early Islamic centuries in the field of religious teaching, following the footsteps of the contemporary scholars and jurists? Did they taught students, males and females, and transmitted to them a beneficial knowledge?

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